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ne peuvent se procurer les denrées dont ils ont besoin. Nous avons nous-mêmes un intérêt capital à observer ce qui se passe et à nous tenir prêts. Supposons qu’un grand consortium se fonde en Russie pour exploiter les chemins de fer, les voies navigables, les postes et télégraphes, les forêts, la houille blanche, et que la France soit absente. Le bolchévisme ne s’en portera ni plus ni moins mal, et nous serons, pour de longues années, expulsés du plus vaste marché de l’univers. Interdisons au monde d’entrer en Russie, jusqu’à ce que le bolchévisme meure de sa belle mort, rien de mieux. Mais si le monde ne nous écoute pas, et si, malgré nous, il va à Moscou, devrons-nous rester éternellement à nous lamenter seuls sur le bord du chemin ?

La temporisation n’est pas une politique. Nous le voyons bien en Orient. Les hésitations des Alliés leur coûtent maintenant assez cher, et peut-être ne sommes-nous, entre les Grecs et les Turcs, qu’au commencement de nos ennuis. J’aurai l’occasion de revenir sur ce triste sujet. Je voudrais aujourd’hui dire un mot d’une question qui malheureusement est bien faite, elle aussi, pour nous préoccuper : c’est celle de l’Algérie. La mission semestrielle du gouverneur général, M. Abel, vient à expiration ce mois-ci ; je ne sais, à l’heure où j’écris, si elle sera renouvelée ou s’il sera donné un nouveau chef à notre grande colonie africaine. Ce que je sais, comme toutes les personnes un peu renseignées, c’est que jamais depuis longtemps, ne se sont présentées en Algérie tant de graves difficultés à résoudre. Le président du Conseil, se rendant compte que la situation n’était pas bonne, a eu l’heureuse inspiration de confier une mission d’études à un ancien collaborateur de M. Jules Cambon, M. La Martinière, ministre plénipotentiaire, qui connaît bien le pays et qui était en mesure de renseigner le gouvernement avec clairvoyance et avec franchise. Je ne crois pas que les conclusions auxquelles est arrivé M. La Martinière aient été de nature à rassurer pleinement le cabinet.

L’ignorance où nos administrations métropolitaines sont de nos affaires algériennes est inimaginable. Au lendemain de la conquête, nos pères avaient cru pouvoir transporter en Afrique l’appareil complet de nos préfectures et de nos sous-préfectures, sans se soucier aucunement de la population indigène. Cet essai d’assimilation immédiate amena naturellement un contre-coup et, un beau jour, l’empereur Napoléon III vint à rêver d’un royaume arabe, en oubliant, à son tour, l’œuvre de nos colons. Ceux-ci s’inquiétèrent et obtinrent