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dégradantes et se complaira à célébrer, dans le match récent, une glorieuse renaissance des Jeux Olympiques. Le ceste était, en effet, un gantelet de cuir, garni de fer ou de plomb, auprès duquel les gants, tirés au sort entre Dempsey et Carpentier, étaient fort inoffonsifs, et lorsque, dans la XXVIIIe olympiade, le pugilat fut introduit au programme des combats gymniques, les combattants, s’ils avaient les mains nues, avaient, du moins, la même liberté que les boxeurs d’aujourd’hui de recourir aux coups de poing, aux coups de pied, à l’uppercut et au swing. Diagoras, de Rhodes, vainqueur au pugilat, Alcimédon, d’Égine, vainqueur à la lutte parmi les jeunes gens, Agésidame, de Locres l’Épizéphyrienne, vainqueur au pugilat parmi les jeunes gens, étaient des héros sensiblement pareils à Dempsey. Diagoras, surtout, était d’une taille et d’une force extraordinaires. Pausanias nous rapporte qu’il a vu sa statue à Olympie. Chaque fois que les Heures, filles de Jupiter et de Thémis, qui accomplissent leur révolution au son de la lyre, ramenaient l’époque des Jeux Olympiques, la gloire des champions couronnés était célébrée avec éclat. « L’eau est la meilleure des choses, l’or est le plus précieux des biens, les jeux d’Olympie sont les plus magnifiques de tous les jeux, » chantait Pindare, qui, du reste, consacrait également d’autres odes aux Jeux isthmiques et aux Jeux pythiques. Pourquoi voudrait-on qu’il y eût moins de poésie et moins de beauté dans les combats de Jersey City ?

Acceptons de meilleure grâce la défaite de Carpentier. Elle n’engage pas l’avenir et n’interdit pas à quelque autre Français, ni à Carpentier lui-même, de prendre une revanche. Pour le moment, ne voyons dans cette rencontre que la féconde émulation dont sont animés les citoyens de deux grands peuples amis, et pénétrons-nous bien de cette vérité que les sports ne sont pas un divertissement méprisable. Tâchons de rivaliser avec les autres nations aussi bien dans les exercices du corps que dans ceux de l’intelligence et ne négligeons rien de ce qui peut contribuer à fortifier notre race. Un philosophe, qui m’est très cher, poussait autrefois le spiritualisme jusqu’à répondre à un maître, qui lui demandait : « Que faites-vous de notre corps ? — Notre corps, c’est peut-être une infirmité. » Mais comme de cette infirmité nous ne pouvons guérir que par la mort, sachons nous en accommoder pendant la vie. Je demande donc que Dempsey ait sa statue à Olympie.

En attendant, Paris a décoré de drapeaux et de fleurs celle de Washington, et l’Independence Day a été fêté en France avec le même enthousiasme qu’en Amérique. Si les États-Unis viennent de