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les rendent incapables d’atteindre les seuls points vraiment sensibles du visage : les globes oculaires. En outre, les règles de la boxe interdisent de frapper au-dessous de la ceinture, de sorte que les viscères abdominaux ne peuvent être touchés et que le poing ne peut frapper que sur la cage thoracique, les bras et la boite crânienne, tous endroits où ils ne peuvent faire que des ecchymoses sans danger. Il arrive qu’un nez saigne, qu’une lèvre soit fendue ; il arrive même qu’une dent soit cassée, et même un nez. Rien dans tout cela de vraiment grave, si bien que les accidents sérieux ou même mortels sont moins nombreux dans les combats de boxe que dans maint autre sport comme le foot-ball. En dépit de cette sécurité, — et même à cause d’elle, car elle permet au boxeur de porter ses coups sans ménagement puisque sans danger, à l’encontre de ce qui se passerait dans des assauts de jiu-jitsu, ou de boxe française (boxe avec coups de pieds), — l’assaut de boxe anglaise donne une impression de combativité vraiment extraordinaire et émouvante. Ce qui intensifie encore cette impression, c’est cette fin de combat dramatique si bien décrite par Homère, cette chute par « knock-out » comme on dit dans l’argot anglo-sportif qu’il faut bien employer, puisque l’usage est le souverain du langage, cet anéantissement du vaincu qui le laisse étendu au sol sans sentiment et avec toutes les apparences de la mort ou de l’agonie.

Ces apparences effrayantes cachent le phénomène le plus inoffensif qui soit. On sait que lorsque le boxeur est resté au sol plus de dix secondes, — ainsi qu’il arriva à Carpentier le 2 juillet, — il est déclaré vaincu. Il arrive que cet anéantissement dure 20 ou même 30 secondes ; mais aussitôt après le boxeur mis knock-out se retrouve aussi vaillant et guilleret qu’avant le coup, et complètement indemne. Il y a là un phénomène physiologique bien curieux. L’état semi-syncopal du knock-out est une sorte de choc cérébral, produit généralement par un coup de poing appliqué d’une certaine façon et de côté à la pointe du menton. Le professeur Gley, l’éminent physiologiste, nous en a donné l’explication suivante, tout en se défendant d’être, un spécialiste de la boxe (et nous lui rendons bien volontiers cette justice) et même de la considérer comme absolument indispensable au progrès de l’esprit humain.

Les raisons de ce phénomène qui fait, — si j’ose employer cette image, — de la pointe du menton le talon d’Achille des boxeurs ? Il semble qu’un choc latéral au menton, par l’intermédiaire des branches montantes de la mâchoire, se propage directement dans la partie de la