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qu’on croirait modernes et notamment la description exacte des cestes « aux sept cuirs épais se repliant sept fois sur eux-mêmes. »

Puisque Homère et Virgile les célèbrent ainsi avec une grave exactitude, puisque toute l’antiquité les cultivait, quel laudator temporis acti osera prétendre encore que les combats de boxe sont des inventions modernes et dégénérescentes, indignes d’une civilisation qui se réclame de la beauté antique ?

La vérité, si paradoxale qu’elle puisse apparaître aux non initiés, est que la boxe est peut-être en un sens un retour à cette culture classique dont tant de gens se réclament avec raison. La culture physique n’est pas moins précieuse que la culture intellectuelle. Les anciens ne les séparaient pas. Ils honoraient les athlètes ; ou plutôt leurs « intellectuels » s’honoraient d’être aussi des athlètes. Eschyle fut vainqueur aux Jeux Olympiques, comme beaucoup de grands penseurs de l’Hellade. Ils pensaient, ils savaient, ces Grecs anciens, ces modèles éternels de toute beauté et de toute sagesse, que l’athlétisme, le « sport » comme on dit aujourd’hui, à condition d’être une fin et non un moyen, d’être pratiqué modérément et non exclusivement, est le meilleur créateur d’une belle santé physique, sans laquelle il n’est point de belle santé morale. Ils savaient que nos pensées les plus subtiles prennent naissance dans des organes dont la vigueur commande la leur.

Je n’irai point jusqu’à dire, comme je ne sais plus quel journaliste sportif, que les Grecs du siècle de Thémistocle pensaient toujours à l’adage : Mens sana in corpore sano. Cet adage latin est, en effet, quelque peu postérieur à la belle époque grecque. Mais, avec ou sans anachronisme, cette pensée, quelque forme qu’on lui donne, n’a pas cessé d’être vraie.

Les Anglais, en un sens, en restituant à l’athlétisme sous toutes ses formes une vogue qui, heureusement, est en passe de se répandre chez nous, ont donc été les vrais continuateurs de l’antiquité, et ils ont mérité de la culture classique. Lord Byron le savait bien, qui pratiquait assidûment lui-même l’art de la boxe. Et c’est une joie pour beaucoup de bons esprits de voir se diffuser chez nous le goût de ce sport, qui a maintenant ses organisations, ses journaux même, comme la Boxe et les Boxeurs, fondée par M. Léon Sée, sportsman dont les muscles sont surmontés d’un cerveau.

C’est le goût des Anglais pour l’athlétisme, qui fait que chez eux la longévité est bien supérieure à la nôtre (en dépit d’un climat médiocre) et qui fait que la plupart des Anglais, et même des intellectuels