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REVUE SCIENTIFIQUE

A PROPOS DE BOXE

Il est, dans notre pâle existence, de certaines heures si savoureuses pour le philosophe qu’il ne saurait ne pas s’abandonner à leur étrange et populaire saveur. Aussi, au lieu de leur parler, à l’accoutumée, des chocs minuscules des atomes et des électrons ou des entrechoquements gigantesques des étoiles, — ces atomes de l’infini, — mes lecteurs me pardonneront, j’en suis sûr, si je les entretiens aujourd’hui de ces chocs, de ces entrechoquements qui mettent aux prises les masses protoplasmiques des pugilistes, et pourquoi le match Carpentier-Dempsey a fait éclater le goût violent des foules humaines.

Ce faisant je m’éloignerai moins qu’on ne pourrait croire de ma matière habituelle qui est de science. Car d’abord, s’il n’est, comme l’a dit Bacon, de science que du général, fut-il jamais rien de plus général que la curiosité et l’intérêt suscités dans le monde entier par la rencontre de ces deux boxeurs ? À côté, les problèmes les plus aigus de la politique se sont soudain recroquevillés jusqu’à presque disparaître des préoccupations communes. C’est là un fait, un phénomène dont on peut s’affliger, ou qu’on peut admirer selon sa disposition d’esprit, mais qu’on ne saurait ignorer. A ce titre aussi, la chose est un peu du ressort de la science, dont le premier objet est d’observer les phénomènes naturels et d’en rechercher les causes et les effets. Mais le pugilat sportif, la boxe, pour employer le mot des Anglais, est digne d’appeler l’attention non seulement des psychologues, mais aussi, comme nous verrons, des physiologistes, et avant tout des hommes d’État et des hygiénistes, de ceux que préoccupent l’avenir physique et la santé de la race. Enfin personne ne contestera que la « sensation » causée d’un bout à l’autre de la terre par ce combat unique ne soit de nature à faire jaillir les réflexions dans l’esprit du philosophe, et à caresser agréablement l’épi derme mental des ironistes, qui, réfugiés sur la haute tour d’ivoire d’un craintif orgueil, regardent du