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en propriétés communes et, de fournisseurs qu’elles étaient, sont devenues consommateurs. Un correspondant de la Krasnaïa gazeta (gazette rouge), (n° 37 — 19 février 1921), fier de ce que plus d’un quart de million de fermes prospères aient été détruites par les bolchévistes, vous dira ce qui est advenu des grandes fermes de cultivateurs. En 1917, on en comptait 349 978 exploitant de 6 à 10 hectares : en 1919, elles ne sont plus que 91 791. Les fermes ayant au moins quatre chevaux sont tombées de 114 648 à 42 837 ; celles qui ont plus de quatre vaches ont passé de 120 683 à 61 196.

Les bolchévistes ne reculent devant aucun moyen de contrainte pour faire livrer aux paysans leur blé et autres denrées. Je tiens d’un témoin qu’un paysan du gouvernement de Tamboff n’ayant pu livrer que cinquante-six œufs au lieu de soixante, pour lesquels il était réquisitionné, sa vache lui fut confisquée. Le non-paiement des impôts en nature entraine des punitions corporelles. Qu’un village s’arme pour défendre son bien, voilà engagé un combat en règle : c’est ainsi que, dans le gouvernement de Novgorod, plusieurs villages ont été complètement détruits. Ce qui explique que la campagne fournisse si peu, c’est qu’elle aussi manque de tout. Le paysan, ne se souciant pas de travailler pour recevoir un papier sans valeur, ne produit que ce qui est strictement nécessaire à sa consommation personnelle. Mais, puisque la ville a faim, on va au plus pressé : fermer la bouche aux ouvriers et aux gardes rouges. Quant à la campagne, elle est taillable et corvéable à merci. Pour les Soviets, le paysan c’est l’ennemi.


X.

Traduit du russe par M. N. de BERG-POGGENPOHL.)