trois années de famine continuelle et générale. Car, à l’exception des seuls commissaires, tous les citoyens, de toutes les classes, portent la même croix. On distingue plusieurs catégories de « mangeurs, » selon les différentes cartes de ravitaillement ; mais dans aucune on ne mange à sa faim. Les amis des Soviets parlent beaucoup de l’affectueuse sollicitude témoignée par le régime aux représentants de la science et des arts. Il existe, en effet, une « ration académique, » qui est la plus forte après celles du Kremlin et de Smolni. Lisez ce qu’écrit le professeur Pavloff au Conseil des commissaires du peuple : « Nous sommes mal nourris, ma femme et moi ; notre ration est insuffisante et mauvaise. Voilà des années que nous n’avons eu de pain blanc. Le lait et la viande nous manquent totalement depuis des mois. Notre nourriture principale se compose de mauvais pain noir et de millet exécrable : nous maigrissons à vue d’œil et nous perdons toutes nos forces. » Quant à la ration ordinaire, elle comporte un ou deux tiers de livre de pain par jour, selon la catégorie des cartes, plus, au choix, un dîner dans un restaurant public ou des provisions. Ces provisions consistent en quatre livres d’os, de viande de cheval et d’abatis ; une livre de sucre en poudre ; de une à cinq livres de pommes gelées ; une livre de sel et cinq boites d’allumettes. Et vous en avez pour le mois !
La vue, tous les matins, de hordes d’enfants et de femmes se dirigeant avec leurs gamelles vers les restaurants communiste vous retourne le cœur. Le régime soviétique ne récolte certes que peu de compliments dans ces longues queues qui attendent la distribution d’horribles lavasses puantes, incapables d’apaiser la faim des citoyens de la République. Aussi les statistiques de mortalité sont-elles éloquentes. Etablies par les bolchévistes eux-mêmes, elles font frémir. On a enregistré, pour Pétrograd, 21 décès sur 1 000 habitants en 1915, 25 sur 1 000 en 1917, 43 en 1918, 81 en 1919. En 1919, sur 100 cas de mort, il y en avait 8, — et, en 1920, 9, — causés par le manque d’alimentation.
La famine désormais installée dans le pays qui, autrefois, fournissait de blé la moitié du monde, voilà le fait. Elle a pour causes principales : l’absence de moyens de transport et l’incapacité des bolchévistes à rien organiser.
La campagne approvisionnait les villes, grâce surtout à l’exploitation des terres par les propriétaires et les gros paysans. Qu’ont fait les bolchévistes ? Les propriétés privées ont été converties