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entre aux extrémités, par suite de l’absence presque complète de communications de chemins de fer, de postes, télégraphes et téléphones, explique celle anarchie. Seul le pouvoir politique en province est réuni au centre par télégraphe ou téléphone.

Si vous étudiez d’un peu près ce système administratif, vous arrivez très vite à vous convaincre combien Lénine a raison lorsqu’il affirme que la Russie des Soviets est un Etat dont le vice est la bureaucratie. Le recensement fait à Moscou le 28 août 1920 le démontre jusqu’à l’évidence. Moscou compte environ un million d’habitants ; de ce million, 231 000 hommes sont au service des institutions soviétiques ; par conséquent, en mettant les chiffres au plus bas, les employés des Soviets, avec leurs familles, représentent la moitié de Moscou ; la seconde moitié est au service de la première, se trouvant employée aux cuisines publiques, aux bains, aux blanchisseries, boutiques, etc. La moitié des employés des Soviets, exactement 115 000 personnes, comprend les « demoiselles » des Soviets : c’est le fameux « Sovbar » (Sov-Soviet ; bar-barychnija). 5 à 6 pour 100 des employés sont affectés à la direction ; 14,4 pour 100 au contentieux et au contrôle. Autrement dit, pour deux personnes employées à la direction, il y en a cinq qui les contrôlent. Les employés de grades inférieurs, garçons de bureau, courriers, huissiers, gardiens, représentent 20 pour 100 de l’ensemble. Les plus grandes et les plus importantes institutions de Moscou se trouvent être le Conseil russe de l’Agriculture nationale et le Commissariat populaire des voies et communications. Dans ces organisations, c’est le personnel technique qui joue un rôle particulièrement actif. Or, en consultant les chiffres, nous constatons dans la première institution que, pour un technicien, il y a deux contrôleurs, et, dans la seconde pour deux techniciens, un contrôleur.

Cette montagne bureaucratique accouche d’une souris. Exemple. Le service des Pêcheries compte, outre un nombre désopilant d’employés, 6 455 pêcheurs : le produit est de 8 000 pouds de poisson par mois ; soit 52 livres par pêcheur et par mois !

Quant à la gabegie, — abus, trafics et pots-de-vins, elle atteint dans l’administration soviétique des proportions que nul régime n’a jamais connues.