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VII. — LE PARTI AU POUVOIR

Jetons maintenant un regard à l’intérieur du parti qui tyrannise la Russie. Ce n’est pas sans raison que j’emploie ce mot de « parti : » nul n’ignore que les communistes en Russie sont en nombre infime. Ce qui revient à dire que la terreur et la violence sont logiquement, indispensables à cette minorité communiste pour étouf-fer l’opposition de la majorité. Je cite le rapport d’un certain Arsky, communiste, envoyé dans la région du Wolga : « Il y a trois, quatre, cinq « camarades » qui travaillent jusqu’à extinction de forces ; dans de pareilles conditions, ils seront bientôt à bout. Les choses sont pires encore dans les villes de district, dans les villages et stanitzas [1]. La région comprend d’immenses territoires dont la population, très clairsemée et bigarrée, est principalement composée de paysans ; parmi eux, de ci, de là, on trouverait peut-être un terrain favorable au communisme dans les communes et les villages ; mais le plus souvent ces essais communistes sont reçus à coups de poing. Dans beaucoup d’endroits, le parti communiste n’est qu’un « parti de passage » où l’on vient s’inscrire pour en tirer un profit matériel et s’en aller aussitôt après. Pour la masse, un communiste est tout uniment un homme qui représente tout ce dont paysans et ouvriers eux-mêmes ont le plus d’horreur. Nous sommes en décadence et nous perdons jusqu’à ceux qui étaient venus à nous et que nous n’avons pas su retenir. » Dans le gouvernement de Pétrograd, qui comprend trois millions d’habitants environ, le rapport d’Ouglanoff à la conférence du Parti communiste, estimait qu’il y avait, à la fin de janvier dernier, 9 863 ouvriers communistes, dont 2 770 dans les usines ; 2 713 paysans communistes ; 74 artisans ; 27 ouvriers d’arts et métiers, 1 845 employés ; 607 membres de « l’intelligence » et 148 divers. Nos renseignements personnels nous permettent, d’affirmer que cette statistique, si modeste soit-elle, est encore très au-dessus de la réalité.

Cette désertion du parti s’est manifestée d’une manière très sensible dans ces derniers temps ; les chefs ne laissent pas transpirer

  1. Stauitza, village cosaque.