Le jardinier, sur l’ordre de l’Empereur, fit construire à pierres sèches un talus le long du parapet, laissant entre l’un et l’autre l’espace d’une toise environ, pour servir de terrasse ou promenoir. Le terrain ayant été nivelé, défoncé et divisé, on y fit des plantations d’orangers. Une barrière en bois fut placée dans l’alignement de la façade de la maison donnant sur la place et se prolongeant jusqu’au parapet situé à l’Ouest. Par ce travail, les abords du palais devinrent plus propres.
Dans cet espace que je viens de décrire, on avait réservé, à peu de distance de la maison, cinquante ou soixante toises carrées pour faire construire une maison et, dans cette maison, un petit théâtre. Dès que le nouveau jardin fut terminé, le projet de construction fut bientôt mis à exécution, et en moins d’un mois, je crois, l’Empereur eut un théâtre fort gentiment décoré. Il était à peine fini que Sa Majesté voulut qu’on y jouât ; mais, avant tout, il fallait composer une troupe. Les acteurs et actrices se trouvèrent parmi les officiers de la Garde et quelques jeunes personnes. Les rôles s’apprirent, les costumes se firent, et un jour fut indiqué pour la première représentation. La musique fut celle du bataillon. Je crois que la première pièce que l’on joua fut les Folies amoureuses, de Regnard, où M. l’adjudant général Debelle et sa fille, qui était demoiselle de compagnie de la princesse, eurent chacun un rôle à remplir, dont ils s’acquittèrent fort bien. La seconde pièce, je ne me la rappelle pas. Dans les entr’actes, on donna des rafraîchissements. L’Empereur parut fort satisfait de sa soirée, et acteurs et spectateurs ne le furent pas moins. Je crois me rappeler qu’il y eut deux ou trois soirées semblables.
Immédiatement après avoir fait construire son petit théâtre, l’Empereur sentit la nécessité d’en avoir un dans la ville pour distraire la garnison, dont les plaisirs étaient assez restreints et assez monotones. Dans la rue qui, du palais, va à la porte de terre, il y avait, sur une petite place, une église ou chapelle assez grande dont on ne faisait aucun usage, soit qu’elle fût en trop mauvais état, soit pour toute autre cause ; l’Empereur permit qu’elle fût transformée en théâtre. La permission une fois donnée, les réparations eurent lieu aussitôt et, en moins d’un mois, l’église fut changée en salle de spectacle, où la garnison, bien entendu, et les habitants ne manquèrent pas d’aller se récréer. Je crois que plus tard on y donna des bals.