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V. — LES TROIS PRINCIPES DE LA POLITIQUE BOLCHÉVISTE

Si l’on veut se faire une idée exacte de la politique que suivent à l’intérieur et à l’étranger les chefs bolchévistes, voici les trois principes qu’il ne faut jamais perdre de vue.

Le pouvoir bolchevique a absolument besoin de gagner du temps. La force des armes, la terreur, les plus féroces mesures répressives, tout lui est bon afin de forcer la population à supporter encore la dureté d’une crise économique qui, s’aggravant et se compliquant de jour en jour, menace d’anéantir le pays.

En second lieu, tout l’espoir du pouvoir bolchevique, est d’arriver, grâce à ce temps ga-gné si férocement, à une amélioration économique par le moyen de l’importation et du commerce avec l’étranger.

Troisièmement, — et ce n’est pas le point le moins important, — le pouvoir bolchevique entend mettre le temps à profit pour travailler, de toutes ses forces et par tous les moyens imaginables, à déclencher la révolution communiste en Orient.

Telles sont les directions. C’est là qu’il faut chercher la clé de tous les actes et de toute la politique bolcheviques. Le pouvoir bolchevique comprend parfaitement l’impossibilité où il est de se maintenir au milieu de démocraties organisées comme le sont aujourd’hui celles d’Europe et d’Amérique ; il sait que, hors d’état de rendre la vie au pays, et ne disposant ni des ressources financières, ni des hommes nécessaires à cette résurrection, il ne dure que par la terreur.

Dès l’année 1918, un Arménien émigré, Wartanessoff, présenta à Lénine un copieux et intéressant mémoire. Communiste lui-même, il démontrait que le Communisme ne pouvait s’installer et prendre racine que dans un pays capable de vivre sur lui-même et de subvenir à tous ses besoins par ses seules ressources ; à défaut de cette condition essentielle, il serait indispensable, conditio sine qua non, que les pays limitrophes et voisins adoptassent, eux aussi, les théories et la pratique du communisme. Partant de ce principe et constatant la double impossibilité de l’existence de la Russie sans importation de l’étranger et d’un prochain triomphe du Communisme en Occident, Wartanessoff arrivait à cette conclusion que la banqueroute du bolchévisme en Russie était inévitable.