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jardin peuplé de statues, mais il n’a guère le temps de considérer les sculptures.

Le déclin du jour et la curiosité de voir une partie des jardins en furent la cause. Du lieu où nous regardions ces statues, on voit à droite une fort longue pelouse, et ensuite quelques allées profondes, couvertes, agréables, et où je me plairois extrêmement à avoir une aventure amoureuse ; en un mot, de ces ennemies du jour tant célébrées par les poètes ; à midi, véritablement, on y entrevoit quelque chose,

Comme au soir, lorsque l’ombre arrive en un séjour,
Où lorsqu’il n’est plus nuit, et n’est pas encor jour.

À la bonne heure, cette fois, nous retrouvons notre La Fontaine ; pas pour longtemps, car l’aventure souhaitée ne se présentant pas, voici que « par une puissance secrète » il se sent forcé de célébrer en alexandrins héroïques « la gloire du grand Armand. » Sur ces entrefaites survient M. de Châteauneuf, et tous deux finissent par gagner Châtellerault, où M. Jannart les attend chez un de ses amis.

La Fontaine et son oncle resteraient volontiers quelques jours à Châtellerault : les melons y sont excellents et les carpes succulentes ; puis on est en pays de connaissance et même de parenté, car La Fontaine y a retrouvé ce Pidoux octogénaire dont vous vous rappelez le joli portrait ; mais il faut obéir à l’ordre du Roi.

Par Chevigny, « misérable gîte et où commencent les mauvais chemins et l’odeur des aulx, » par Bellac où la chère est médiocre, les voyageurs arrivent à Limoges : ils pren-nent congé de M. de Châteauneuf.

Les premières impressions de La Fontaine sur Limoges et les Limousins sont mêlées : « Les hommes ont de l’esprit en ce pays-là, et les femmes de la blancheur ; mais leurs coutumes, façon de vivre, occupations, compliments sur tout ne me plaisent point. » Il annonce une autre lettre : elle n’a pas été retrouvée, ou bien n’a jamais été écrite.

Cette relation contribue à rendre plus vivante l’image que je voudrais tracer de La Fontaine. Grâce à elle nous sommes entrés plus avant dans l’intimité du bonhomme. Cependant, il est un point sur lequel les biographes se sont épuisés en recherches et en conjectures, c’est l’histoire de son ménage : je