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Il fait aussi un fidèle et joli portrait de Blois, vu de la rive gauche du fleuve ; et elle est bien curieuse, cette description du château :


Il a été bâti à plusieurs reprises, une partie sous François Ier, l’autre sous quelqu’un de ses devanciers. Il y a en face un corps de logis à la moderne, que feu Monsieur a fait commencer : toutes ces trois pièces ne font, Dieu merci, nulle symétrie, et n’ont rapport ni convenance l’une avec l’autre ; l’architecte a évité cela autant qu’il a pu. Ce qu’a fait François Ier, à le regarder du dehors, me contenta plus que tout le reste : il y a force petites galeries, petites fenêtres, petits balcons, petits ornements, sans régularité et sans ordre ; cela fait quelque chose de grand qui plaît assez.


Ces pièces « qui ne font, Dieu merci, aucune symétrie, » ces ornements « sans régularité et sans ordre » qui font « quelque chose de grand qui plait assez : » un pareil jugement surprend chez un contemporain de Le Vau, de Le Brun et de Le Nôtre ; mois il décèle à merveille l’originalité du goût de La Fontaine. Il aimait trop Marot et Rabelais pour rester insensible à la séduction de l’architecture de la Renaissance. En son temps, quel autre eût, comme lui, préféré la diversité à la symé-trie, le caprice à la règle ?

Et quel autre, hormis Mme de Sévigné, aurait su, comme lui, rendre l’attrait d’un paysage ? Tout en cheminant sur la levée de la Loire, il ne se lasse pas de jouir de la vue des coteaux,


…….. coteaux enchantés,
Belles maisons, beaux parcs et bien plantés ;


et de la Loire elle-même il fait cette belle peinture :


On la voit rarement s’écarter de sa route ;
Elle a peu de replis dans son cours mesuré ;
Ce n’est pas un ruisseau qui serpente en un pré,
C’est la fille d’Amphitrite.
………..
Elle répand son cristal
Avec magnificence ;
Et le jardin de la France
Méritoit un tel canal.


A Amboise, il est peu charmé par l’architecture du château. « Ce qu’il y a de beau, dit-il, c’est la vue : elle est grande, majestueuse,