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d’atteindre ceux qui avaient pris sans droit, ou pour mieux dire sans payer, une qualité qui s’acquérait alors à beaux deniers comptants. Le Roi avait affermé à un « partisan » nommé La Vallée-Cornay le recouvrement des amendes, et Me Thomas Bousseau, procureur au Parlement, consignait au greffe les noms des usurpateurs. On produisit deux actes dans lesquels La Fontaine était indûment désigné comme écuyer. Il fut condamné par défaut.

Dans le désarroi où étaient déjà ses affaires, surtout depuis l’arrestation de Fouquet, cette amende allait achever sa ruine. Ce fut alors qu’il adressa au duc de Bouillon une épitre d’un tour tantôt plaisant, tantôt émouvant, afin que celui-ci s’occupât de le tirer d’embarras.

Godefroy-Maurice duc de Bouillon, seigneur de Château-Thierry, venait d’épouser, le 23 avril 1662, une des nièces de Mazarin, Marie-Anne Mancini. On retrouvera souvent, dans l’histoire de La Fontaine, les noms du duc et de la duchesse.

Dans ce charmant placet il commence par railler le terrible La Vallée-Cornay, mais il ajoute tout de suite :


Prince, je ris, mais ce n’est qu’en ces vers ;
L’ennui me vient de mille endroits divers,
Du Parlement, des Aides, de la Chambre,
Du lieu fameux par le sept de septembre,
De la Bastille, et puis du Limosin ;
Il me viendra des Indes à la fin.


Le « lieu fameux par le sept de septembre : » c’est la Chambre de justice qui juge Fouquet ; « La Fontaine se trompe de deux jours sur la date de l’arrestation). La Bastille, c’est la prison de Pellisson. Le Limousin, c’est le lieu d’exil de Mme Fouquet.

Il proteste de son mépris pour ceux qui usurpent la noblesse. (Là-dessus, nous le croyons sans peine). Ceux-là, il les faut punir.


Mais le moins fier, mais le moins vain des hommes,
Qui n’a jamais prétendu s’appuyer
Du vain honneur de ce mot d’écuyer,
Qui rit de ceux qui veulent le parêtre,
Qui ne l’est point, qui n’a point voulu l’être :
C’est ce qui rend mon esprit étonné !
Avec cela je me vois condamné,