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ACANTHE.


Polymnie, ils sont dieux.

APOLLON.


Je l’étois, et Daphné ne m’en traita pas mieux ;
Perdons ce souvenir. Vous triomphez, Acanthe :
Nous vous laissons, adieu ; notre troupe est contente.


Il nous semble voir la troupe continuant sa promenade et ses causeries sous la conduite de Fouquet-Phœbus, s’acheminer lentement vers le pa-lais, à travers les jardins de Le Nôtre, tandis qu’Acanthe s’enfonce dans un vallon agreste et reprend sa songerie au murmure du ruisseau de l’Anqueil, son Hippocrène ; car Acanthe, c’est La Fontaine. Lui-même se désigne quand il montre les Muses s’évertuant à tirer Acanthe de ses profondes rêveries et quand Thalie trace ce portrait :


<poemSire, Acanthe est un homme inégal à tel point, Que d’un moment à l’autre on ne le connoit point : Inégal en amour, en plaisir, en affaire ; Tantôt gai, tantôt triste ; un jour il désespère ; Un autre jour il croit que la chose ira bien : Pour vous en parler franc, nous n’y connoissons rien. </poem>


Quant à Clymène, cette provinciale serait-elle, comme on l’a conjecturé, l’épouse du lieutenant du roi à Château-Thierry ? Tallemant a conté une certaine historiette, qui ressemble à l’aventure d’Acanthe.

Cette même Clymène a inspiré à La Fontaine quatre belles élégies où il a exhalé les mêmes plaintes que dans sa comédie, mais elles n’écartent pas le voile qui nous dérobe lu visage de la véritable Clymène. Nous y voyons seulement qu’elle s’acharnait à offrir son amitié à tous ses soupirants. Elle l’avait offerte à un de ses amants qui, depuis, était mort ; elle l’offrait à La Fontaine en lui tenant des discours peu faits pour apaiser son chagrin et sa jalousie.

D’ailleurs cette Clymène avait des rivales à Paris. Nous en connaissons au moins une par son nom, c’est Claudine Colletet.

Guillaume Colletet, un des littérateurs pensionnés par Fouquet, avait épousé sa ser-vante, une très jolie blonde, un peu sotte, et qui jouissait d’une grande réputation littéraire : elle