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Tu devrois l’obliger, pour l’honneur de tes temples,
D’aimer ainsi que nous.


Mais cette précieuse d’Uranie l’arrête dès la fin de la première stance, et sèchement :


Les Muses n’aiment pas.


Déconcertée, Calliope se tait et passe la lyre à Polymnie, qui fait parler Acanthe à la façon d’Horace.

Apollon trouve que le jeu devient un peu » monotone ; il dispense Uranie de continuer le divertissement, et, suivi des neuf Muses, se rend sur les bords de l’Hippocrène pour y rencontrer Acanthe lui-même.

Celui-ci parle seul, en proie à un véritable délire ; il confie son allégresse aux Zéphyrs et aux Échos ; il remercie éperdument l’Amour de lui avoir été enfin propice. Apollon veut savoir la raison de cette joie. Alors Acanthe fait le récit de son heureuse fortune. De ce récit La Fontaine, en publiant Clymène, a dit qu’il n’était pas « tout à fait tel que ceux de ses contes, » mais qu’il ne s’en éloignait pas « tout à fait. » En effet, il ressemble à un conte en ceci que l’auteur n’a pu s’empêcher d’y placer une équivoque grivoise ; mais il en diffère par un accent de tendre volupté qu’on ne retrouvera nulle part, dans ses vers, aussi ardent, aussi jeune, aussi vrai.

Pour récompenser Acanthe d’avoir chanté son nom et sa puissance, l’Amour l’a conduit dans la chambre de Clymène, et l’amant a pu baiser le pied nu de l’indifférente. La belle s’est alors cachée au fond de ses draps. Mais l’Amour conseille à Acanthe de demeurer et lui dit tout bas à l’oreille :


 « ... Baisez-la hardiment.
Je lui tiendrai les mains ; vous n’aurez point d’obstacle. »
Je me suis avancé : le reste est un miracle.
Amour en fait ainsi ; ce sont coups de sa main.

APOLLON.


Comment ?

ACANTHE.


Clymène a fait la moitié du chemin.

POLYMNIE.


Que vous autres mortels êtes fous dans vos flammes !
Les dieux obtiennent bien d’autres dons de leurs dames,
Sans triompher ainsi.