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au mot d’ordre, et se sont en grande partie abstenus. La salle n’était guère remplie que d’officiers français. On annonce des représentations de M. Copeau, et d’autres encore.

Il faut avoir la plus grande confiance dans cette lumière que la France porte avec elle. Et il faut comprendre exactement ce que sont ces manifestations d’art français sur le Rhin. Encore une fois, il ne s’agit pas de propagande, si même ce mot a un sens. Il ne s’agit pas de quêter les applaudissements d’un peuple trop pénétré de notre art pour que nous prenions fort au sérieux ses bouderies légitimes. Les musées allemands sont pleins des tableaux de nos peintres, honorés à Cologne ou à Munich dans le temps qu’ils sont encore méconnus chez nous : de cette assimilation plus rapide les Allemands se font gloire, et ils ont raison. Les formes mêmes de leur art leur viennent de nous en grande partie, et Gauguin a eu sur eux une influence qu’ils nous renvoient maintenant, chargée d’une étiquette allemande. Ces échanges sont excellents. Ils sont dans la plus pure tradition française, M. Tirard l’a très bien montré. « J’en lis qui sont du Nord et qui sont du Midi, » écrivait La Fontaine. Nous ne nous sentons pas le besoin d’être plus protectionnistes et plus étroitement français que La Fontaine.

L’art national est fait d’expansion, de rayonnement. Les courants qui parcourent le monde y aboutissent et en repartent. Les grandes idées ont voyagé dans le monde sur un fleuve de sang français. Ce fleuve n’a que trop coulé. Aujourd’hui, dans la paix, nos armées sont campées au bord du Rhin. Mais là où sont nos drapeaux, là est notre civilisation et notre art. C’est notre plus belle maxime. Là où veillent nos soldats, le génie de la France doit être tout entier : c’est pourquoi vous voyez sur le Rhin les œuvres de nos arts : peinture, musique, et ces poèmes que le comédien anime. Il n’y a pas d’autre raison aux manifestations de Wiesbaden, et elles n’ont n’ont pas d’autre sens.


HENRY BIDOU.