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Cette exposition est, en même temps qu’un plaisir des yeux, une page d’histoire. Et M. Bérard l’a commentée le soir, à Wiesbaden, au Paulinenschloss, où se trouve une belle exposition de meubles, et où un banquet nous réunissait. Le ministre de l’Instruction publique a parlé de cette rivalité féconde des écoles ; il a évoqué le souvenir d’Ingres, qui voulait mettre Delacroix en enfer ; il a montré que cette émulation est la condition même de la vie. On ne saurait mieux dire. M. Tirard de son côté a défini éloquemment le sens de cette exposition. Après quoi nous sommes allés au théâtre entendre l’Or du Rhin.

Le spectacle était-il prémédité ? Mais enfin, nous avons vu un dieu allemand, un très vieux dieu, faire les plus grands efforts pour ne pas acquitter sa dette. Pour contraindre Wotan à régler son mémoire, il faut lui enlever Freya, dont la disparition le laisserait dépérir. O symboles éternels ! Cette blonde Freya, est-ce donc le charbon de la Ruhr ? M. Loucheur, ministre de la reconstruction et qui était parmi nous, regardait pensivement Fafner et Fasolt, ces deux entrepreneurs qui ont tant de peine à se faire payer. Nous suivions les hésitations de Wotan, devant la note de 132 milliards ; nous le voyions appeler tour à tour à son aide la violence et la ruse, Donner et Loge, Ludendorff et Rathenau. Loge était le dieu du feu, M. Rathenau est le président de la Société générale d’électricité. Nous avons vu Loge trouver à la dette allemande une solution élégante, en allant voler un tiers, qui est d’ailleurs lui-même un voleur. Nous avons vu que, pour être payé, il faudrait bien que M. Briand se résignât à maudire l’amour ; nous avons même vu les funestes effets du paiement et comment il brouillait les Alliés, dont l’un cassait la tête à l’autre. Et nous étions encore, le lendemain dimanche, dans les réflexions où nous avait laissés cette soirée édifiante, quand nous avons appris que la pièce continuait, et que M. Loucheur avait une entrevue avec M. Rathenau.


L’exposition de Biebrich n’est qu’une partie d’un programme qui se poursuit, et qui comprend des représentations dramatiques et des concerts. Déjà M. Gémier a fait entendre à Wiesbaden l’Annonce faite à Marie, qui est un ouvrage déjà populaire en Allemagne. Les Allemands sont d’ailleurs restés fidèles