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à cette politique d’interdiction vient s’ajouter une politique de brimades contre les Rhénans, afin qu’ils ne se trouvent pas trop bien sous l’occupation française. L’année dernière, Wiesbaden a été boycotté au profit de Baden-Baden.

Telle est la situation, et il est inutile de la dissimuler. Que peut faire la France ? Il ne s’agit en aucune façon de circonvenir les Rhénans, et le mot de propagande, si fâcheux et si faux, doit être banni. Mais enfin, devant cet interdit jeté sur notre pays et accompagné d’une campagne abominable de calomnies, on a pensé, je crois, que la France servirait la cause de la paix générale en se montrant elle-même. La plupart des malentendus entre les peuples viennent de l’ignorance où ils sont les uns des autres. L’effet bienfaisant de l’occupation sera d’aider deux nations à se connaître mieux. En montrant aux Rhénans ses arts et sa civilisation, la France fait la plus pacifique des œuvres, la seule efficace peut-être ; et sur quel sujet peut-on s’entendre mieux que sur celui des lettres et des arts, vrai patrimoine commun de l’humanité ? — Et pour ceux des Français que leur devoir retient sur le Rhin, n’est-ce pas aussi un bienfait que de retrouver, pour un mois, ou pour un jour, dans un théâtre ou dans une salle d’exposition, l’âme même de la patrie ?


Le train s’arrêtait à Wiesbaden vers une heure de l’après-midi. Wiesbaden, qui fut autrefois une aimable petite ville allemande, a, comme on sait, beaucoup gagné en splendeur. A la place de l’ancien théâtre, s’élève un palace. Le nouveau théâtre, près du Kurhaus, est un des plus beaux de l’Allemagne. D’un côté, de grandes rues remplacent les allées où s’élevait autrefois un concert de variétés. De l’autre, la ville pareillement accrue s’achève en une promenade décorée de parterres et de guirlandes. Tout cela est assez magnifique. Où est la simplicité d’antan, et le duc de Nassau, qui avait une valise en tapisserie ? Mais, en devenant riche, la ville n’est pas devenue laide ; tout est cossu, aéré, équilibré ; et avec ces splendeurs, qui ont au moins l’agrément du confort, Wiesbaden a la beauté d’ombrages incomparables. La ville est dans un vallon au pied des collines. Ce vallon est planté des plus beaux arbres, qui font une ceinture au Kurhaus. La verdure s’élève sur les pentes, enveloppe les