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Saint-André, qui fut ici préfet de l’Empire et, comme disait Napoléon, avocat zélé de son département, emporté pendant l’épidémie de typhus de 1813, repose dans un tombeau entouré d’ifs. Les soldats français de la grande armée, les soldats alliés revenus en 1814, dorment côte à côte. Une garnison autrichienne fut ensuite établie dans la ville et y resta jusqu’en 1866. Après 1870, même confusion, dans la terre commune, des vainqueurs et des vaincus. Un monument aux morts allemands est couronné d’un lion ; celui des soldats hessois a la forme d’un obélisque. Quant aux restes des soldats français (975 catholiques, 5 protestants et 2 musulmans) ils ont été inhumés de nouveau solennellement en 1906. Près de leur monument s’éleva en 1909 celui de 1 700 soldats autrichiens morts à Mayence de 1814 à 1866, et celui de 170 soldats allemands tués en 1870. Le 30 octobre 1909, le commandant du XVIIIe corps, général von Eichhorn, qui devait cinq ans plus tard commander sur le front russe, déposa des couronnes sur les tombes des soldats des trois nations. Le bourgmestre, dans une allocution, nomma le cimetière de Mayence un saint lieu de repos qui avertit les peuples de vivre pacifiquement les uns près des autres, de se respecter et de travailler en commun à ce qui est commun à tous, le progrès et la civilisation du genre humain.

Il faut, pour se rendre compte de l’esprit de Mayence, se rappeler ce passé. Il reparaît curieusement dans l’histoire des régiments hessois. Le 4e compte comme faits d’armes le combat de Wiesbaden (contre les Français) en 1796, la défense de Badaoz (pour les Français), et la prise de Chambord (contre les Français) en 1870. Le 2e régiment de Nassau enlève la Mesa de Ibor le 15 mars 1809 avec les Français, défend le 18 juin 1815 la ferme de Hougomont contre eux, et conquiert à Wœrth, le 6 août 1870, la première mitrailleuse française. En 1892, les Mayençais ont élevé un monument à ceux de leurs compatriotes qui étaient morts dans les rangs de la grande armée.


Que l’on excuse cette digression ; mais un voyage à Mayence est un voyage dans le passé. Dans ces ruelles surplombées de pignons sculptés, Kléber et Custine ont passé. Le conventionnel Meusnier est mort dans ce palais. Comme en 1792, les habitants, en 1918, nous ont vu revenir sans étonnement, et même