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romans d’amour. Et peut-être ce qui les attire dans la vie musulmane, comme une distinction exquise, c’est qu’on n’y voit jamais les femmes et que, sur ces choses intimes, l’homme observe le plus noble secret.

Alors, délivrés de ce dangereux enchantement, les deux romanciers ont pu ouvrir les yeux tout grands sur les spectacles du vaste et mobile univers. Ils y ont découvert mille intérêts nouveaux : la terre revêt pour eux cette grâce radieuse qu’elle avait à nos regards d’enfants ; ils ont promené leurs sympathies et leurs curiosités sur des coins inédits de l’Europe ; ils nous ont révélé le merveilleux israélite et le merveilleux musulman : ils ont ramassé tous les thèmes de poésie qui traînent dans notre monde, les dernières fleurs encore fraîches du bouquet de la vie. Ils inventent leurs histoires pour se divertir eux-mêmes, comme ces contes que leur nourrice se plaisait à leur faire quand ils étaient petits, et avec cette liberté, ce sentiment secret du rythme et de la beauté qui sont ceux d’un Debussy composant une « arabesque » ou un ballet. Ils ont extrait de ce vieux monde une musique nouvelle. Il leur a suffi de renoncer aux sortilèges de l’amour pour voir la vie telle qu’elle est : ils y ont aussitôt trouvé une source intarissable de bonheur, ce bonheur fait d’horreur de la vulgarité, de sourire héroïque, d’une libération dédaigneuse de toute sentimentalité. Avec les mêmes yeux qui découvraient jadis les poétiques « bouts du monde » de la vallée de la Glane, ils découvrent chaque jour le charme de l’univers ; ils sont peut-être, parmi les romanciers modernes, ceux qui ont le mieux parlé de l’enfance (le petit héros de la Lumière, le petit Archie dans Dingley, le petit Ruben de l’Ombre de la Croix) ; et sans jamais vieillir, toujours émus, toujours charmants, ils promèneront longtemps encore sur cette misérable planète, où ils nous auront fait voir plus de beautés que personne, leurs regards de braves, de candides et de gracieux enfants.


FIDUS.