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privilégiée, à laquelle nous ne pouvons renoncer. C’est certainement la première fois, de-puis tant d’années que je pratique le Musulman, que je rencontre chez l’un d’eux de si réelles possibilités de causer à l’unisson Le problème à résoudre serait de l’utiliser sans le compromettre stupidement aux regards de son peuple, sans le disqualifier par des enfantillages, sans lui faire perdre en rien son « habitus » extérieur de Chérif couronné et de Musulman intan-gible ; et aussi de satisfaire sa curiosité et son besoin jeune de sympathie réciproque. Je le répète encore, puisque ici c’est la résultante de toutes les informations, nos agents pré-cédents l’ont assommé, disons-le, « rasé ! » Et ceux qui l’ont vu racontent avec quel soulagement d’enfant puni il sortait des séances où on lui commentait gravement les textes diplomatiques. C’est une des plus grandes lacunes, hélas ! de notre personnel, que de ne plus connaître que rarement de moyen terme entre la gravité morose du parvenu qui craint de compromettre sa dignité, et le débraillé hilare et vulgaire du commis voyageur. Nul ne vaut les gentlemen pour savoir être sérieux, tout en étant aimables, et pour parer la sévérité des affaires du charme des formes ; mais hélas ! les gentlemen de chez nous, on ne les sort plus, et ce qui donne une telle supériorité, parmi tant d’autres, au personnel d’exportation anglais, c’est que, presque tous, quelle que soit leur origine, savent être gentleman-like. Ce ne fut ici que trop sensible avec les deux missions militaires : l’anglaise, qui a compté tant d’aventuriers, dont il ne fallait pas sonder la vie, mais toujours élégants, bien tournés, larges d’allures, fastueux, sachant amuser le Sultan sans dépasser la mesure, tout en menant admirablement leurs affaires ; la française, où trop souvent d’abord, on les a choisis très vilains, — je ne sais pourquoi, — mal vêtus, ne sachant pas s’imposer, ni s’installer, vivant mesquinement, d’ailleurs, a leur décharge, moins payés, surtout beaucoup moins appuyés, écrasés par le formalisme administratif de la métropole, les meilleurs finissant vite par s’écœurer, sachant que, quoi qu’ils disent, fassent, écrivent, à Paris tout le monde s’en f...

A l’issue de notre longue causerie, mes officiers ont été introduits pour prendre congé, et devant ces gars bien tournés, bien ficelés dans leurs beaux uniformes propres, de jolies façons, avenants, j’avais l’impression, — et les yeux du Sultan me la