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nous offre cet avantage qu’après avoir passé par la crise allemande il y a deux ans, il en est absolument guéri. L’abstention de l’Allemagne après Oudjda et Casablanca a détruit toutes ses illusions. Du Tafilalet à Figuig et à Fez (j’en sais quelque chose) il était entendu pour tous les Arabes que l’Allemagne était derrière le Sultan, et que pas un de nos soldats ne pourrait franchir la frontière sans qu’il intervint. Ils en ont déchanté. Le Maghzen dit nettement (et cette fois il est certainement sincère) qu’il regrette bien d’avoir provoqué Algésiras, et qu’il eût bien gagné à accepter nos propositions d’il y a trois ans. Mon Dieu ! qu’il est donc fâcheux qu’on lui ait envoyé alors des agents qui ont cru devoir l’assommer de palabres et de sermons ! Un seigneur un peu expéditif eût tout réglé en quelques semaines en 1904, aussitôt après l’accord franco-anglais. L’on veut même bien reconnaître que j’y ai vu assez clair à ce moment en voulant sans délai sur la frontière passer des discours aux actes, et tirer un parti immédiat des accords de 1902. J’ai du reste moi-même la sensation, à la suite des entretiens successifs que je viens d’avoir avec MM. du Maghzen, que jamais nous n’avons été en meilleure posture pour obtenir d’eux des résultats positifs sur toute notre frontière, et y aboutir, au point de vue de la police, à une situation tout à fait satisfaisante et honorable pour les deux pays. Or cette situation de police de la frontière algéro-marocaine ne regarde que nous et eux, et aucune autre Puissance. — Eh bien ! vous allez voir que malgré l’accord de la Légation, du Maghzen et de moi, c’est Paris qui va nous mettre des bâtons dans les roues, et nous empêcher d’aboutir à quoi que ce soit.

En attendant, voici des nouvelles du Sud. A Casablanca, on s’attend à être attaqué par la méhalla de Moulay Hafid, dont les détachements piquent dans la direction de Rabat et interceptent depuis hier nos courriers. L’amiral Philibert demande par le télégraphe sans fils à M. Regnault s’il faut être neutre, ou contre Moulay Hafid. M. Regnault répond nettement : « contre » — puisque notre présence seule ici a déjà tranché la question. — Mais pour Dieu ! que va dire et faire Paris ?


Le ministre des Affaires étrangères Si Sliman vient de venir me voir et prendre de mes nouvelles de la part de Sa Majesté Chérifienne. Cela se passe avec des politesses extrêmes, des mots charmants, — toute l’urbanité orientale, fleurie et raffinée.