Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec son agrément. Or, la banque d’État est une personne revêche, administrative, formaliste et peu pressée. Il y a cinq mois que le Sultan voulait quitter Fez ; mais il lui fallait de l’argent, et la banque d’État a mis quatre mois à lui avancer la somme nécessaire. Or, s’il était arrivé ici aussitôt qu’il le désirait, il n’y aurait probablement pas eu de Casablanca, et certainement pas de Moulay Hafid. Il pouvait encore pa-rer au plus pressé en mettant ses bijoux au clou ; mais là aussi il a fallu présenter tout d’abord l’affaire à la banque d’État, dont il n’a pas encore la réponse, tandis que les bijoux sont en panne à Paris où à Londres.

Enfin si Moulay Hafid a des armes et des munitions, c’est qu’après les chinoiseries inqualifiables, les scrupules étranges, dont vous avez lu les récits dans les journaux, nous avons fini par lui laisser prendre à Mazagan tout un lot commandé par Abd-el-Aziz. Celui-ci est donc bien en droit de nous dire : « Vous m’avez ligoté de telle façon que je ne puis plus me procurer un sou ; c’est vous qui avez permis à mon concurrent de s’approvisionner en munitions et en armes, et dans ma détresse, vous ne savez que m’apprter une décoration et un discours. »

L’opinion de M. Regnault, que je vous donne telle quelle, car je n’ai pas une information suffisante pour la discuter, c’est qu’il n’y a pour nous en ce moment qu’une carte à jouer, celle d’Abd-el-Aziz. C’est aussi bien une affaire de loyauté que d’intérêt. Abd-el-Aziz est enga-gé avec nous par des traités solennels, dont un gouvernement avisé et résolu pourrait tirer tout de même un bénéfice réel, sur la frontière comme dans les ports, sans compter tous les avantages nouveaux que peut offrir l’actuelle situation critique du Maghzen.

Ceci paraît très exact.

D’autre part, ajoute-t-il, si Moulay Hafid se développe, cela peut être la dislocation du Maroc en deux Marocs, Maroc du Nord et Maroc du Sud, — ce qui s’est déjà vu. — Or nous n’y avons aucun intérêt. Si cette dislocation se produit, le Maroc du Sud, si riche et intéressant, échappe à notre influence, et passe aux Allemands. C’est déjà à Marrakech, Mogador, Safi, Mazagan, qu’ils ont leurs intérêts les plus importants. C’est un Allemand, Holzmann, qui conseille Moulay Hafid ; et celui-ci proclame hautement qu’il ne reconnaît aucun traité postérieur à Moulay Hassan et est libre de tout engagement. Abd-el-Aziz