ville plus grande disparue, — sensation intense de campagne romaine.
Le Sultan ne pouvant nous offrir à dîner chez lui-même nous fait recevoir par son ministre des Affaires étrangères, Si Sliman. Mauvais diner à l’européenne mêlé de quelques plats arabes que j’abhorre ; mais le décor est joli, — la cour intérieure grouille du va-et-vient amusant des serviteurs, des secrétaires et des clients, la musique accompagne le repas, la monotone musique arabe, dont j’aime tant le rythme et la plainte, et que relève ce soir le chant très juste d’un éphèbe noir, contralto féminin, étrange et prenant.
Mardi, 15 octobre.
La guigne ! Le consul a voulu nous emmener déjeuner à la campagne à 15 kilomètres d’ici, au Sud, à la casbah de Temarah, le premier des relais militaires établis sur la route de Rabat à Casablanca par les vieux sultans.
Nous croisons la méhalla, qui a levé son camp et s’est décidée à partir. Spectacle invraisemblable. Il faut se le faire répéter deux fois, pour croire que c’est une armée en marche et non une horde de gens allant au marché. Ils sont égrenés dans la lande, sans une apparence de groupement, d’ordre et de direction. Des femmes, par deux, par trois, sur des mules, — des jeunes garçons. Les fusils ficelés par vingt sur des bourricots, tandis que les hommes vont sans arme avec un bâton. En revanche, un homme porte trois fusils ; plus loin, c’est une femme qui porte le fusil de son mari ; d’autres bourricots avec tous les ustensiles de ménage. Quelle foire ! Aucun de mes compagnons ne s’en étonne. C’est toujours ainsi. En levant le camp, on indique le point d’arrivée du soir, et chacun y va pour son compte. Il paraît que ça finit par s’arranger tout de même, le bivouac par se former assez régulièrement, et qu’on y prend quelques précautions de sécurité. N’importe ! je n’aurais pas confiance. Mais voici la guigne. Mon cheval au galop met le pied dans un trou, s’abat, et je me colle une entorse. Je crois d’abord que cela n’est rien, je mets le pied dans une source, je me fais masser par l’explorateur Gentil lui-même, et je déclare fièrement que c’est fini. Ah ! ouiche ! Pendant les 15 kilomètres de retraite, je ne sens que trop que je suis pincé.
Au retour à Rabat, j’apprends que le Sultan m’attend. C’est