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respectifs des divers immeubles, de sorte que nous avons beaucoup plus l’allure de deux bons bourgeois cherchant des appartements que d’ambassadeurs en mission auprès de Sa Majesté Chérifienne, à l’une des heures les plus critiques qu’ait traversées le Maroc.


Vendredi, 11 octobre.

Journée d’affaires. Toute la matinée, nous avons, Berriau et moi, travaillé avec le ministre notre police frontière, les affaires d’Oudjda, et passé notre après-midi a mettre sur pied la conversation du matin. Jusqu’ici, je ne vous ai pas parlé de politique. Elle fait pourtant le fond de nos conversations et pèse sur nous du poids le plus lourd. J’hésite vraiment à en venir à ce sujet. Il y faudrait des volumes, d’autant plus qu’il faut y être plongé jusqu’au cou comme nous le sommes depuis des années, pour, non pas y voir clair, hélas ! mais s’y reconnaître à peu près. Par quel bout vais-je la prendre ? On pourrait pourtant la résumer en ceci : comme tout serait simple si nous avions un Gouvernement ! Combien, n’en ayant pas, tout ce que nous faisons, concevons ou écrivons, est oiseux et illusoire ! Ici le contact des réalités, des solutions qui apparaissent relativement simples, immédiatement applicables avec un peu de bonne volonté, d’énergie et de suite. La certitude, hélas ! qu’à Paris rien de tout cela n’existe, qu’on s’en moque et qu’une seule chose y compte : le contre-coup électoral, le bluff illusoire à présenter au Parlement. Les dépêches navrantes de Paris en réponse à nos propositions précises nous cassent bras et jambes. Les demi-gestes, les trompe-l’œil, qu’affectionne notre Gouvernement, nous mettent ici dans une situation intenable, ne répondent en rien à la situation, préparant des lendemains irréparables, laissant échapper toutes les occasions, mais suffisent pour donner a l’opinion ignorante et veule une satisfaction factice et se tirer d’une interpellation.

Nous avons ici une sensation bien nette : c’est que, après tant d’occasions perdues, de nouveau sonne une heure historique, décisive, fugitive comme toutes les heures à saisir, qui ne sonnera peut-être plus.

Il faut tout de même que j’essaie de sortir un peu de ces considérations, pour en arriver aux faits.

Voici :

Le Sultan est aux abois. Il n’a plus le sou ; il vient d’envoyer