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Sultan, — ô nos oreilles ! — des chevaux selles à l’arabe (nos harnachements sont encore dans la barre), et c’est l’entrée, assez grotesque, si on la détaille, mais la lumière et la couleur sauvent tout. A travers des « rues du Caire » grouillantes, on arrive à la maison réservée au « Bachadour. » La charmante résidence : cours fleuries, jardins, canaux, vasques de marbre, eaux jaillissantes ! Nous sommes re-çus par Si Sliman, ministre des Affaires étrangères. On va avant diner lui rendre sa visite dans le même appareil, et c’est tout pour aujourd’hui.

Une inondation de journalistes ; nous ne pouvons faire un pas sans trouver leur groupe compact. Nous avons beau nous dérober, ne pas dire un mot ; nous verrons nos inter-views paraître en manchettes. C’est couru.

Segonzac est ici. Il sort de chez moi, sympathique et séduisant comme toujours.

M. Regnault avait prévu que, suivant la tradition, nous n’aurions pas notre audience avant trois jours, délai rituel nécessaire pour nous « purifier, » et voici qu’on nous annonce que c’est pour demain matin à dix heures. Sortons les grandes tenues et les harnachements de velours et d’or.


Lundi 7 octobre, 10 heures soir.

Ce matin à neuf heures un quart, le Caïd méchouar « introducteur des ambassadeurs) venait nous prendre chez le ministre. Nous partons toutes voiles dehors. Les cavaliers du Maghzen nous précèdent, fusil haut, puis un caïd mia (chef de bataillon), sabre au clair ; le ministre, l’amiral Philibert et moi, la suite. Nous avons trouvé d’assez beaux chevaux fort honorables : j’ai choisi un bai brun très doublé, que mon harnachement de grande tenue habille bien. Une escorte de réguliers en haie. C’est la section instruite par les Allemands à Fez, culotte verte, veste rouge, des fusils Martini assez bien entretenus. Le Sultan nous attend dans une de ses villas, simple pied-à-terre, à 1 500 mètres de la ville, au bord de la mer. La route, longeant la côte, est charmante. Nos trois grands bateaux, Jeanne d’Arc, Gloire, Gueydon, au large donnent une impression de force qui souligne au mieux notre promenade ; la matinée est radieuse.

Une enceinte, une grande cour remplie de troupes en haie ; pied à terre : une cour en, terrasse sur la mer, le ministre des Affaires étrangères. Un pavillon très simple, un petit escalier,