Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’y bouge. Allons, nous serons bons premiers auprès du Sultan ! C’est là, je crois, ce qu’on appelle une « victoire diplomatique. » Je garde tout de même plus de confiance dans l’efficacité d’un « Marengo, » voire même d’un simple « Isly, » mais ce n’est plus de mode, chez nous du moins.

Présentation réciproque de nos « maisons. » M. Regnault est accompagné de MM. Jessé-Curely, secrétaire d’ambassade » Borel, attaché, deux interprètes français, un interprète indigène Si Kaddour ben Gabrit, personnage des plus connus d’Alger à Tanger, et que je recevais naguère dans mon cabinet d’Oran, le capitaine du génie Guiot, le médecin militaire Fournial.

La Jeanne d’Arc est commandée par le capitaine de vaisseau de Sugny, qui fut pendant quatre ans attaché naval à Berlin.

Dès ce soir, longue causerie avec M. Regnault. Bon début. Beaucoup de confiance, impression de simplicité, de netteté et de bon sens. Pas de complexités. Allons, on pourra au moins causer. C’est déjà cela. C’est lui seul qui m’a demandé avec insistance ; il a voulu, dit-il, en me montrant en chair et en os au Sultan, dissiper la légende du « croquemitaine, » et surtout la légende « est-ce une légende ?) de l’antinomie algéro-marocaine, de la dualité d’action française. En montrant ici la main dans sa main la « bête noire » du quai d’Orsay, il veut prouver qu’il n’y a sur la terre d’Afrique qu’une France et qu’on n’y veut et n’y fera à l’Est du Mogreb que ce qu’on y voudra et fera à l’Ouest. Allons, je veux bien, et en tout cas, c’est très gentil de sa part ; mais je crains que cette bonne volonté et cette confiance, qu’il me marque en termes sympathiques, lui soient bien personnelles, et qu’il reste en-core dans la maison du coin du quai des seigneurs qui préfèrent voir le Maroc à n’importe qui, plutôt que d’y admettre une intervention algérienne.


Rabat. Dimanche, 10 heures soir.

Dans la maison d’un notable, réquisitionnée par le Maghzen pour la mission militaire et préalablement évacuée par son propriétaire, nettoyée, blan-chie. Vous connaissez, homme d’Orient, le décor amusant, la cour intérieure, les pavés et les revêtements de faïence, les lourdes portes aux sobres dessins géométriques, les gonds et les verrous cossus ; pas de meubles, — la profusion des nattes et des tapis, — on a installé à la hâte des lits requis chez les Européens, des tables, qu’il faut démolir et