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pour y prendre contact avec le Sultan et aviser sur place aux mesures à prendre.

Je commandais depuis huit mois la division d’Oran. La frontière algéro-marocaine subissait depuis longtemps le contre-coup de l’anarchie qui déchirait l’Empire du Moghreb. Pour y maintenir la sécurité, il fallait intervenir constamment sur ces confins où les tribus algériennes et marocaines s’enchevêtraient, sans statut défini. Ces interventions, dont la plus importante avait été l’occupation d’Oudjda, en mars, donnaient lieu à des conflits incessants, non seulement avec les autorités chérifiennes, mais aussi parfois avec la Légation de Tanger, qui recevait directement les réclamations du Makhzen.

M. Regnault, très loyalement désireux de mettre fin à ces désaccords et d’assurer l’unité de l’action française à l’égard du Maroc, demanda que je fusse adjoint à son ambassade. Il tint à y avoir également, pour des motifs analogues, l’amiral Philibert, qui commandait notre division navale devant Casablanca.

C’est de cette mission que j’envoyais à mon cher correspondant habituel Eugène-Melchior de Vogué le récit journalier qui va suivre. Il n’a d’autre intérêt que de donner, je crois, la dernière vision qu’on ait eue du pouvoir chérifien avant ses dernières convul-sions et l’établissement de notre Protectorat.


LYAUTEY.


5 octobre 1907.

À bord du Desaix, entre Alger et Tanger.

Au vicomte Eugène-Melchior de Vogué.


Mon cher ami,

Eh bien ! me voici lancé sur la route de Rabat, en sous-ambassadeur. Si vous le voulez, je vais reprendre ma vieille habitude du Tonkin et de Madagascar, et noter pour vous la vision journalière, sous la réserve que vous me ferez l’amitié de me garder ces notes, car je n’en prendrai certainement pas d’autres.

Ce fut une vraie surprise : il y a huit jours, un télégramme du ministre de la Guerre, bref et sec comme toujours, — c’est la manière du titulaire actuel, — m’enjoignait de m’apprêter à