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doute, est toujours restée fidèle à son alliance avec la Russie comme à son entente avec l’Angleterre. Mais, surtout dans les questions balkaniques, d’où elle sentait bien qu’il pouvait sortir des complications dangereuses, elle s’est constamment efforcée de jouer le rôle de la Puissance pacificatrice. Elle s’est étroitement rapprochée de l’Angleterre pour servir, avec elle, de trait d’union entre la Russie et l’Autriche. Elle n’a pas un instant perdu de vue les intérêts de l’Europe et elle a tout fait pour que les groupements de la Triple-Alliance et de la Triple-Entente, au lieu de rester opposés l’un à l’autre, fussent en mesure de se rencontrer dans une volonté commune de paix. C’est l’idée qui, sur l’initiative de la France et de l’Angleterre, avait présidé en 1912 et en 1913, à la Conférence de Londres ; et si l’Allemagne et l’Autriche avaient, en juillet 1914, même après l’envoi de l’ultimatum à la Serbie, consenti à reprendre ces conversations générales, la guerre aurait, sans doute, été conjurée, l’Autriche-Hongrie n’aurait pas été démembrée, il serait peut-être, un jour, arrivé que les nationalités eussent obte-nu quelque indépendance dans le cadre de la monarchie dualiste, et nous n’aurions pas aujourd’hui à discuter sur le Traité de Trianon, non plus que sur toute la série des traités annexes, destinés à garantir les droits des minorités ethniques. Mais on ne ressuscitera pas ce qui est mort ; et, comme l’a dit si justement le Président du Conseil, nous n’avons plus dorénavant qu’à favoriser de notre mieux les efforts que font pour vivre et pour s’organiser les jeunes États dont nous sommes les parrains. Après avoir fondé la Petite Entente, M. Benès emploie maintenant toute son activité à traiter avec la Pologne et avec la Hongrie. Le vote du Traité de Trianon ne pourra que l’aider dans cette tâche pacifique.


RAYMOND POINCARÉ.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.