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quand, à la lumière des documents, on relit certains récits trop romanesques, on est bien forcé de se dire que la folle du logis, lorsqu’elle est livrée à elle-même, joue des tours singulièrement fâcheux aux pauvres humains.

Contrairement à ce qui a été allumé, M. de Selves ne donna aucune « adhésion de prin-cipe » à la demande du comte d’Æhrenthal et il n’y aperçut pas la possibilité « d’un pacte de concorde étroite entre la France et la monarchie dualiste. » Avant même d’être saisi de la note autrichienne, le ministre avait pris soin d’envoyer à notre ambassadeur les instructions du 6 novembre, que j’ai rapportées tout à l’heure. Il n’avait aucune raison pour se contredire ensuite. Il reçut, en même temps que la note du Ministère impérial et royal, un télégramme et deux dépêches de M. Philippe Crozier, respectivement datés des 19 et 20 novembre. L’ambassadeur exprimait la pensée que nous ne devions pas répondre négativement à la demande d’admission à la cote. Il ajoutait : « On peut juger cette demande prématurée : il eût été plus adroit, semble-t-il, de ne pas en reparler au moment, sinon à l’occasion de l’accession de l’Autriche Hongrie au traité franco-allemand... Quoi qu’il en soit, le comte d’Æhrenthal nous a saisis de sa demande d’admission à la cote. Ce peut être une occasion de vérifier, dès maintenant, s’il est possible, comme certaines considérations semblent l’indiquer, d’obtenir en échange de l’Autriche-Hongrie des garanties positives supplémen-taires pour le maintien de la paix et contre une agression de l’Allemagne. » M. Crozier joignait à cette dépêche un long rapport personnel où il indiquait les garanties qu’il lui paraissait possible de demander : « par exemple, disait-il, à défaut de la neutralité absolue de l’Autriche-Hongrie, tout au moins sa neutralité temporaire (pendant un délai qui permettrait à la Russie d’être prête à entrer en ligne), avec liberté, après ce délai, ou en cas de revers de l’Allemagne, de prendre l’initiative d’une intervention pour le rétablissement de la paix, un besoin en provoquant la réunion d’un congrès. » L’ambassadeur exposait ensuite que le Gouvernement de la République pourrait choisir entre trois solutions, refus, simple acceptation du principe des deux emprunts de 500 millions, et enfin acceptation avec introduction immédiate de notre demande de garantie. Il marquait une préférence pour ce dernier parti, mais il ne disait point que les pourparlers, si on les engageait, dussent réussir ; il déclarait même très franchement : « On ne saurait se dissimuler que le projet que je soumets à Votre Excellence se heurtera à de grandes difficultés. L’opposition