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500 millions de couronnes. » Telle était la note que le comte d’Æhrenthal avait remise, le 18 novembre 1911, à notre ambassadeur, et qui jusqu’ici n’avait pas été publiée. Elle ne proposait, comme on le voit, que des combinaisons économiques et financières, et, avant tout, l’admission d’un emprunt. Elle constatait que les relations politiques étaient bonnes et n’y suggérait pas le moindre changement. En transmettant, le lende-main, ce document à M. de Selves, M. Crozier écrivait : « Il n’est pas douteux que de la réponse que nous ferons à ces ouvertures dépendra la rapidité ou la lenteur des formalités qui doivent précéder l’accession de l’Autriche-Hongrie au traité franco-allemand. » Il n’y avait donc, dans ce papier, qu’on a si étrangement travesti, qu’une seule chose : une condition de mauvais goût, que le Gouvernement autrichien tentait de mettre à son acceptation des accords marocains. Il laissait entrevoir son désir de créer en Afrique et en Orient des consortiums franco-austro-hongrois et il demandait la promesse immédiate de la cote pour des emprunts d’Etat. C’était tout.

Or, à ce moment même, l’Autriche-Hongrie développait ses armements sur terre et sur mer. A la demande de l’Allemagne, elle accroissait sa flotte de la Méditerranée, elle fabriquait de ces canons lourds que nous avons vus sur notre front pendant la guerre. Favoriser ses emprunts, c’était nous jeter dans une entreprise périlleuse ; c’était, en outre, et de toutes façons, payer d’un prix exorbitant son adhésion au traité franco-allemand ; et cette adhésion était cependant la seule chose qu’elle nous offrît, en retour du service qu’elle nous demandait. Aussi bien, notre éminent chargé d’affaires, M. de Saint-Aulaire, jugeait-il sévèrement la note autrichienne, dans sa lettre du 7 décembre suivant : « Bien qu’une demande d’emprunt, écrivait-il, ait son but en elle-même, c’est aussi au besoin d’obtenir un succès sur un terrain où le projet d’emprunt hongrois de l’année dernière a été pour le comte d’Æhrenthal l’occasion d’un échec, qu’il faut attribuer les propositions qu’il nous a adressées. » Et il ajoutait : « Il a réussi à don-ner à cette demande d’emprunt les apparences à la fois d’un marchandage et d’une suggestion allemande, ce qui n’était pas fait pour diminuer les difficultés qu’elle soulève par ailleurs. »

C’est cependant cette note autrichienne, involontairement dénaturée par des souvenirs infidèles et par des commentaires fantaisistes, qui a permis à quelques journaux de pré-tendre qu’on aurait pu, en 1911, essayer de détacher l’Autriche de la Triple-Alliance ! Cette manière d’écrire l’histoire a quelque chose d’un peu leste et,