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sont d’accord avec les vues de mon département, lorsqu’il signale, notamment, les inconvénients possibles, dans l’ordre d’idées que je viens de rappeler, d’un rapprochement plus étroit de la France et du Gouvernement de Vienne ; ce rapprochement n’est nullement envisagé par le Gouver-nement de la République. »

Sous les réserves indiquées par M. Stephen Pichon, nos relations avec l’Autriche-Hongrie sont toujours restées excellentes. A la Conférence d’AIgésiras, en 1905 et 1906, le Gouvernement impérial et royal nous avait témoigné quelque bonne volonté et son intervention n’avait pas été étrangère au règlement final. Nous lui avons, à notre tour, rendu de nombreux services. Lorsqu’Æhrenthal avait, au mois d’octobre 1908, déchiré le Traité de Berlin et annexé, sans crier gare, la Bosnie et l’Herzégovine, la France aurait pu refuser son adhésion à ce coup de force. Dans une pensée de conciliation, elle s’est inclinée devant le fait accompli.

En 1911, lorsqu’éclata la crise marocaine et que nos rapports avec l’Allemagne se tendirent presque au point de se rompre, l’Autriche-Hongrie se montra cependant beaucoup moins empressée à nous être agréable. Comme l’écrivait plus tard à M. de Selves, M. de Saint-Aulaire, alors chargé d’affaires à Vienne et aujourd’hui ambassadeur à Londres, Æhrenthal se hâta d’adopter la thèse allemande et de nous déclarer responsables des incidents qui s’étaient produits. A propos de la marche que la France avait été obligée d’entreprendre sur Fez pour protéger ses nationaux, il avait dit à M. de Saint-Aulaire et répété à M. Crozier : « Vous avez donné un bien mauvais exemple. » (Dépêche du 7 décembre 1911.) Lorsqu’avait été conclu, entre la France et l’Allemagne, l’accord marocain du 4 novembre, on pouvait espérer que l’Autriche-Hongrie suivrait l’exemple des Puissances qui avaient signé l’acte d’Algésiras, notamment de l’Italie, et qu’elle donnerait rapidement son adhésion au nouveau traité. Il n’en fut rien. Elle se livra, au contraire, à une étrange tentative de pression et laissa, tout de suite, entendre que, comme prix de son acceptation, elle désirait que le marché de Paris fût ouvert à des emprunts d’État autrichiens et hongrois. On sait toutes les intrigues financières auxquelles donnaient lieu ces demandes d’admission à la cote et l’insistance que certains agents de l’Allemagne et de l’Autriche mettaient à forcer les portes de la Bourse parisienne. Pour couper court à ces manœuvres, M. de Selves avait télégraphié le 6 novembre à M. Crozier : « Quand vous pourrez causer de la convention marocaine avec le comte d’Æhrenthal, reconnaissez de bonne grâce que