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unifiée, l’Autriche-Hongrie soit désormais divisée, découpée et réduite à l’impuissance ; et il énonce assurément une observation très juste, lorsqu’il dit : « Je reconnais qu’il était difficile de morceler l’Allemagne, mais il n’était pas indispensable de sanctionner, une fois de plus, son unité. » M. François Albert est-il également dans le vrai, lorsqu’il se désole devant la dispersion des nationalités dans l’Europe centrale et refuse de donner sa voix au Traité de Trianon ? Comme M. Millerand le déclarait à propos du Traité de Saint-Germain, c’est là une attitude un peu négative, et, si les solutions intervenues n’enthousiasment per-sonne, ceux qui ne veulent pas s’y résigner devraient, tout au moins, y substituer un autre programme de reconstitution. Le silence qu’ils gardent sur ce point essentiel prouve qu’ils seraient un peu embarrassés pour transformer aujourd’hui en propositions acceptables des critiques désormais stériles.

En tout cas, les adversaires du Traité seraient mieux inspirés, si, dans l’espoir de fortifier leur thèse, ils Ressayaient pas de nous apitoyer sur l’ancienne monarchie dualiste et même parfois de l’amnistier. Si prépondérante que soit la respon-sabilité de l’Allemagne dans la guerre, celle de l’Autriche-Hongrie n’est pas négligeable, et ceux qui affectent d’oublier aujourd’hui la vieille politique du Ballplatz et l’ultimatum à la Serbie feraient bien de relire, avec quelque soin, les consciencieux ouvrages de M. Wickham Steed, de M. Gauvain, de M. René Pinon, de M. Ernest Daudet ou de M. Jacques Bardoux„ Chose singulière, M. François Albert lui-même, en dépit de toute sa finesse, a cru un instant qu’en 1911, le comte d’Æhrenthal avait « envisagé un pacte de concorde étroite entre la France et la monarchie dualiste, dont le kaiser eût été le mauvais marchand, » et il s’est étonné que le Gouvernement de la République n’eût donné aucune suite à de telles ouvertures. M. de Selves, à qui auraient été transmises les offres du Gouvernement autrichien, a lui-même publiquement déclaré qu’il n’avait aucun souve-nir de les avoir reçues ; et il est bien certain, en effet, que, s’il avait été saisi d’une proposition sérieuse, il aurait pris des mesures immédiates pour qu’elle fût examinée. Au mois de janvier suivant, en quittant le ministère, il aurait, en outre, prévenu son successeur. Or, il s’est abstenu d’agir et abstenu de parler ; il avait d’excellentes raisons pour cela ; jamais, en effet, il ne lui avait été présenté aucun « pacte de concorde étroite. »

Jusqu’à la guerre, tous les ministres français qui se sont succédé au quai d’Orsay ont observé la même conduite vis-à-vis de l’Autriche. Bien que cette puissance fût engagée dans la Triple-Alliance, la France