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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra : Les Troyens, d’Hector Berlioz. — M. Jacques Thibaud.


Il n’est pas de sujet plus ingrat aujourd’hui pour la critique musicale, que Berlioz et l’œuvre de Berlioz. De l’un et de l’autre, après le grand ouvrage de notre confrère M. Adolphe Boschot, (trois volumes, suivis et résumés par un quatrième), on ne trouve plus rien à dire. Dans l’ouvrage même, rien non plus à contredire. Alors ? Alors, quand l’Opéra vient de représenter les Troyens et qu’il en faut parler, alors ce n’est pas commode. A peine si l’on ose redire encore, après tout le monde, y compris soi-même, quelque chose comme ceci : Berlioz, génie composé de deux éléments, ou de deux âmes contraires ; au fond et le plus souvent, un romantique, mais un classique aussi quelquefois. Entre les deux penchants de ce génie on hésite, on craint de choisir et de conclure. On aimerait de se laisser deux fois également ravir. Et l’on oserait peut-être emprunter aux bords voisins de ceux où finit par aborder le héros troyen, une image dans le goût, d’ailleurs contestable, de celle-ci : Heureux le voyageur qui gravit les pentes du Vésuve, si dans un pli du volcan il rencontre un bois sacré.

Le bois sacré, ce sera, si vous le voulez bien, non pas les Troyens tout entiers, mais quelques fragments des Troyens. Inégal, fort inférieur à la romantique, volcanique Damnation de Faust, ainsi qu’à Roméo et Juliette, l’opéra classique de Berlioz a cependant ses beautés, qui ne sont point indifférent !

Il ne faut pas croire que la « grande machine, » comme disait Berlioz le premier, ait été, même cette fois-ci, montée tout entière. On a supprimé la moitié du second tableau et tout le troisième tableau du second acte. Retranchée également, au quatrième acte, et c’est dommage, le chant bucolique du rapsode Iopas : « Citharâ crinitus Iopas Personat aura-tâ. » Regrettable aussi, plus loin, avant le rembarquement des Troyens, le duo familier des sentinelles. Je