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théâtre. C’est un dépit que nous ne partageons pas. » On l’entend, on le voit !

Ce qui m’ébaubit, je l’avoue, c’est l’assurance de ces docteurs : non pas du tout leur foi ; mais la confiance qu’ils ont de posséder la foi comme personne, au point de vous traiter de mécréants à tout hasard Ils seraient plus aimables, avec un peu d’humilité, avec un peu plus de simplicité, de bonhomie et de frivolité apparente. Jésus disait à ses disciples : « Quand vous jeûnez, ne soyez pas tristes comme des hypocrites ; ceux-ci montrent un visage exténué, afin que leurs jeûnes paraissent devant les hommes. En vérité, ils ont reçu leur récompense. Mais vous, quand vous jeûnez, parfumez votre tête et lavez votre visage, afin que les hommes ne voient pas que vous jeûnez ; et votre Père, qui voit ce qui est caché, vous le rendra. » L’Évangile n’a de rude sévérité que pour les Pharisiens, qui se croient les seuls justes et qui, présumant trop de leur dévotion, dédaignent la bonne intention du prochain. L’un de ces Pharisiens monte sur une borne et fait ainsi sa prière : « Mon Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères, ni même comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine ; je donne la dîme de tout ce que je possède... » Jésus se moque de ce Pharisien, dont l’orgueil est ridicule.

Mais que dire d’un pharisaïsme nouveau qui, à ses vantardises, ajouterait la fatuité de prendre M. Claudel pour un écrivain parfait, de prendre le langage de M. Claudel pour du français le meilleur du monde, enfin de n’être point pareil au « publicain » trop futile que le génie de M. Claudel n’a point enchanté ?

Le Jeune écrit : « L’anarchie soutient les productions les plus exécrables de ses auteurs ; soutenons les œuvres des nôtres, quand elles sont bonnes, ce qui est ici le cas. » Cette fois, il ne s’agit pas de M. Claudel, mais de M. Henri Ghéon. Or, si l’œuvre dont il s’agit est bonne, il faut le dire et la « soutenir » parce qu’elle est bonne. Il ne faut pas dire qu’elle est bonne pour la seule raison qu’elle est « nôtre, » ainsi qu’on a l’air de procéder si, aux objections des « publicains, » l’on ne répond que par une accusation de mécréance. Le « publicain » vous parlait grammaire et syntaxe : vous répliquez religion !

D’ailleurs, ces jeunes écrivains, éperdus de claudelisme, sont bien dignes de sympathie. Leur cause est excellente : ils souhaitent d’aider au triomphe d’une littérature chrétienne et catholique, tandis que nous assistons au grand succès d’un médiocre libertinage ou d’une ignominie condamnable. On voudrait seulement les avertir de n’avoir