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Les Claudeliens sont une de ces « chapelles littéraires » qu’il est périlleux d’offenser cl que l’on offense, hélas ! sans l’avoir voulu, dès que l’on ne tient pas l’auteur de l’Annonce faite à Marie pour le plus grand écrivain de tous les temps et de tous les pays. Chapelle littéraire ou guêpier, c’est à peu près la même chose. N’y touchez pas ; ou méfiez-vous : sachez du moins ce qui vous attend. Les guêpes claudeliennes sont mauvaises.

Il y a présentement d’autres chapelles littéraires ; et quelques-unes, à vrai dire, ne méri-tent pas l’honorable nom de chapelles. Ce seraient plus exactement des boutiques, les intérêts qu’on y défend n’étant qu’un négoce de profitable renommée : l’on y lance un écrivain, comme il paraît que certains marchands de tableaux lancent un peintre qu’ils ont choisi pour des motifs que l’art néglige. Ces boutiques sont méprisables.

La chapelle claudelienne est assurément d’une autre sorte. Elle est aussi plus gênante et plus imposante, à cause de la prétention qu’elle a de confondre le claudelisme et le catholicisme. M. Pierre Lasserre a dû s’en apercevoir. On lui fit observer que, s’il n’admirait pas les écrits de M. Paul Claudel absolument, c’est qu’il avait l’esprit fermé aux vérités du christianisme. On le plaignait de n’avoir pas un horizon de pensée et de sentiment plus étendu que ne l’aurait un Grec de l’antiquité ou, mettons, un païen de la Renaissance. On l’appelait « enfant de Minerve » et l’on se détournait de lui.

Plus récemment, un critique ayant dénoncé le « galimatias » de M. Paul Claudel, voici M. François Mauriac, romancier malin, qui se fâche ; et, dans la Revue hebdomadaire, il écrit : « La déconcertante et savante syntaxe (de M. Claudel) irrite (ce critique et d’autres) comme les irrita toujours ce qui ne ressemble pas à ce qu’ils ont accoutumé d’entendre ; mais c’est surtout cette vision catholique du monde qui les étonne et qui les scandalise. » Enfin, si vous blâmez le « galimatias » de M. Paul Clau-del, vous n’êtes point un bon catholique : meilleur catholique, vous auriez honte de ne pas considérer ce galimatias comme une savante syntaxe et déconcertante pour les infi-dèles.

Il y a aussi, dans la Revue des jeunes, un Jeune extrêmement prompt à frapper d’anathème les critiques « bien pensants » qui n’applaudissent point aux œuvres de sa chapelle ; il les accuse de ne pouvoir souffrir « la sainteté ; » il les envoie, de compagnie avec les « riches viveurs, » au théâtre où l’on joue Phi-Phi. Écoutez-le : « Il n’est pas difficile de constater que ces messieurs de la presse comme il faut voient avec dépit le surnaturel chrétien s’introduire au