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Le deuxième acte a commencé par une jolie scène entre Mme Geoffrin et M. de Ségur, s’est poursuivi par un dialogue entre Victor Cousin et le duc de la Rochefoucauld, et s’est achevé par un défilé final de tous les personnages sous l’Arc de Triomphe, le 14 juillet 1919. Pendant ce défilé, Mlle de Lespinasse fait un choix de cœur entre les maréchaux. C’est une jolie idée de revue, et le discours même est une revue, pleine d’esprit, de sentiment et parfois de grandeur d’âme, et parfaitement composée pour le public qui l’a acclamée. Cette fois encore, la « première » de M. de Flers a été un triomphe.

Après la pièce, la critique. Le hasard, qui est un dieu prévoyant, avait voulu que le soin de répondre à un auteur dramatique fût confié à un critique, qui est le directeur même de cette Revue. Mais, par un échange agréable, tandis que M. de Flers avait lu, immobile, sans un geste, et en mettant tout son art dans l’inflexion de sa voix sonore, M. Doumic a mis en scène son discours. Sa main gauche, qui tenait près des yeux un tout petit papier plié, jouait le rôle de souffleur ; mais sa main droite, libre, déroulait subtilement dans l’air la mimique de la scène ; sa voix variée l’établissait pour ainsi dire dans ses plans, et en nuançait la courtoisie acérée.

Un vif et pittoresque tableau de la salle de rédaction du Figaro, il y a vingt ans ; puis un autre tableau, charmant et touchant, de la collaboration de Robert de Flers avec Gaston de Caillavet ; une définition exacte et fine de leur art ; une analyse des Sentiers de la vertu, et, au bout de cette route, une vue d’ensemble sur les caractères de ce théâtre.

L’énumération de ces caractères est plaisante, et M. Doumic l’a faite avec une sympathie amusée et un peu scandalisée : entre mille combinaisons d’événements, la plus folle se réalise ; rien n’a d’importance ; le mari est bête, mais l’amant est sot, et l’homme le plus nul est toujours le plus aimé ; il y a un bon côté aux catastrophes, et c’est peut-être pour le bien de Valentin qu’Hélène s’est fait enlever vingt minutes avant d’être sa femme. Et que de traits, où l’apparente naïveté est une observation profonde : « Moi, dit un personnage, je ne peux réfléchir aux choses qu’après les avoir faites. Avant, on ne peut pas se rendre compte... » Quelques phrases de cette sorte ont amené les noms de Rivarol et de Chamfort. Puis M. Doumic a montré comment, dans ce peuple menu et fantasque, on retrouvait des personnages d’une autre espèce, « des types de chez nous, tels que nous avons coutume de les voir et de les aimer près de