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du bureau seraient en uniforme. Le figurant partit désespéré et revint radieux. « Monsieur, dit-il à l’auteur, j’ai trouvé le moyen de faire reconnaître que je suis de l’Institut. » — « Qu’avez-vous trouvé ? » demanda M. de Flers épouvanté. — « Monsieur, dit le figurant, je me mettrai du coton dans les oreilles. »

Après avoir fait amende pour l’Habit vert d’autant plus spirituellement qu’il niait qu’il la fit, M. de Flers en vint, selon l’usage, à l’éloge de son prédécesseur qui était le marquis de Ségur. Il y a, pour les récipiendaires, une grande inégalité entre les morts. Il en est qu’on a toutes les peines du monde à faire revivre, et qui ont pour ainsi dire une ombre grise. Mais il en est d’autres qui ne demandent qu’à reparaître. Au premier signe, ils sont là, comme au jour de leur propre élection. L’homme aimable, l’historien distingué qui fut celui de Mlle de Lespinasse, ne pouvait manquer de reprendre avec plaisir sa place à l’Académie à la voix de M. de Flers. Il avait toutes les raisons du monde de se rendre à son appel avec bienveillance. En effet, Robert de Flers est le petit-neveu de ce M. de Guibert, qui fut la grande passion de Mlle de Lespinasse. M. de Ségur n’a rien à lui refuser ; aussi l’a-t-il très heureusement inspiré.

Un auteur dramatique, toujours contraint d’emprunter le langage des autres, a, le jour de sa réception, une occasion presque unique de parler en son nom, et nous sommes tout étonnés d’entendre sa voix naturelle. M. de Flers, cessant d’être le docile interprète de Youyou et de Miquette, a mis une coquetterie, qui ne lui est pas moins naturelle, à écrire un autre français que ces aimables personnes ; et son discours a des grâces. Mais l’auteur dramatique se connaît toujours : son état est de composer des scènes ; la prosopopée, qui épouvante les professeurs de rhétorique, est de toutes les images celle qui lui est la plus familière ; l’évocation n’est pas pour lui de la magie, mais du métier courant, et un simple office de régisseur. M. de Flers a donc rempli son discours d’incantations : il a ainsi appelé en scène M. de Ségur : « Voici son geste simple, ... voici son visage,... voici ses yeux bleus. » Il a ensuite amené sur le plateau les Portraits d’ancêtres. Et les Portraits d’ancêtres sont venus docilement dire leur couplet. Il a confié la scène suivante à Mme de Ségur, avec cette indication : « Elle porte un chapeau cabriolet en taffetas lilas orné de roses pompon, une robe de popeline violette et un talma de soie noire. » Et il a terminé le premier acte, après une entrevue entre Bonaparte et le maréchal de Ségur, par le défilé des victoires de Fiance.