transformées en pantalons et les meubles de style vendus, la famille qui s’y est installée se réfugie dans la cuisine, se tasse aussi autour de la « bourgeoise » qu’elle alimente avec des meubles d’acajou brisés à coups de hache et avec les livres pris dans la bibliothèque.
A la voir ainsi concentrée autour de la « bourgeoise, » on peut juger de la vie réservée à l’humanité soi-disant libérée par Lénine : la voilà, cette vie glorifiée par une vaine phraséologie, vie d’inanition, vie de froid, vie de ténèbres. A Pétrograd le bonheur de vivre dans une maison éclairée n’est donné qu’à un petit nombre de privilégiés, à ceux chez qui l’électricité existe encore et est réunie au câble qui dessert un établissement bolchevique quelconque. Pour les autres, pendant les mois d’hiver les plus sombres, on ne donne la lumière électrique que de sept heures du soir à minuit ou de huit à dix heures. Mais malheur à ceux qui n’ont pas l’éclairage électrique ! Même à prix d’or, on ne peut se procurer ni bougies, ni pétrole, et tout ce qui peut se brûler est uniquement réservé à chauffer la « bourgeoise. »
La nécessité a rendu les gens ingénieux en Soviétie : ils ont inventé des sortes de luminaires semblables aux lampadaires antiques et dans les-quels, en manière de substance éclairante, on jette, au hasard de la rencontre, vaseline, pétrole, huile, benzine. Le régime qui étreint cette ville agonisante, est supérieurement combiné pour créer une population passive et dénuée de toute capacité de résistance. Uniquement soucieux de continuer à entretenir son petit fourneau et sa petite lampe, tout entier enseveli dans la préoccupation du chauffage, de l’éclairage et de la nourriture, il ne reste à l’habitant de Pétrograd ni le loisir ni la force de songer à la politique.
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(Traduit du russe par M. N. de BERG POGGENPOHL.)