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pas la phrase pour la reconstruire, il l’imite ; il la recrée synthétiquement. »

La seconde voie offerte par les réformateurs, est celle « qu’exprime cette appellation, que les programmes officiels ont jusqu’ici écartée, d’enseignement classique français. Le français est mûr pour ce rôle ; les grandes œuvres qu’il a produites, et qui auront bientôt trois siècles d’existence continue, sont depuis longtemps appelées « classiques, » et peuvent servir de base à un enseignement digne de ce titre. Il peut donc se suffire à lui-même et se passer du la-tin. Il ne s’agit pas de ce qu’on a réalisé sous le nom d’enseignement moderne, ensei-gnement dont M. Fouillée disait qu’il était « général-spécial, désintéressé utilitaire. » Non, il s’agit d’un enseignement où le français jouerait le double rôle du latin et du français lui-même dans l’enseignement présent. On y ferait (on en fait déjà) des versions de français en français, c’est-à-dire de vers en prose ou de français du XVIe siècle en français moderne. Cela ne vaut évidemment pas la version latine, et là est le point faible du système. Ce système n’en eut pas moins pour partisans des publicistes de grand talent, Frary, Bigot, H. Michel, M. Gréard, sans répudier la véritable éducation classique qui eût subsisté à côté, avait de la sympathie pour lui. En revanche, Fouillée le combattait. Nous avons aujourd’hui à faire valoir, en sa faveur, mieux que des arguments, une expérience qui ne faisait que commencer au moment où cette brillante polémique battait son plein, l’expérience de l’enseignement secondaire des jeunes filles. C’est un véritable enseignement classique français ; et qui l’a vu fonctionner sait quel haut degré de culture il atteint. Nous ne verrions aucun inconvénient à ce que cette expérience fé-minine devint une expérience masculine. Il serait piquant, au moment où les filles empruntent le programme des garçons, de voir les garçons emprunter celui des filles. Ce chassé-croisé ne serait évidemment pas le signe d’une grande unité de vues et de direction. Mais, de plus, on voudrait un baccalauréat ad hoc. Le baccalauréat est le grand obstacle à toute expérience. Quant à faire plus qu’une expérience, quant à vouloir définitivement amputer nos programmes du latin, le moment, s’il doit venir, n’est pas venu de cette opération. Nous avons dit pourquoi.