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le poussent en avant, et lui font chercher son niveau à la hauteur de l’éducation clas-sique. En 1881, la scolarité est augmentée d’un an et passe de quatre à cinq ans. C’est alors que le baccalauréat de l’enseignement spécial est créé. En 1886, la scolarité s’élève à six ans. Deux langues vivantes, l’une fondamentale, l’autre complémentaire (conception que nous retrouverons bientôt), donnent à l’enseignement un couronnement. La dénomination d’enseignement secondaire français, qui avait été proposée, a été repoussée. On garde provisoirement la dénomination d’enseignement se-condaire spécial. Enfin, en 1891, l’enseignement spécial devient l’enseignement moderne, vocable d’ailleurs mal défini. C’est le terme de son ascension, mais c’est aussi la fin de son existence. Il avait cessé peu à peu d’être ce que le législateur de 1865 avait voulu qu’il fût.

Une histoire parallèle se déroule en Allemagne, et a la même date. L’enseignement des écoles réales du premier degré en vint à ne différer de celui des gymnases que par l’absence du grec et de la philosophie, cette double absence marquant une préoccupation moindre de la cul-ture. Aussi, conformément à cette indication, est-ce l’esprit de l’enseignement, plus que son contenu, qui diffère. Les élèves des écoles réales n’en réclament pas moins l’accès des universités, et l’obtiennent à peu près dans une proportion égale à celle des droits conférés chez nous au baccalauréat de l’enseignement spécial. On retrouve dans les discussions de l’autre côté du Rhin les mêmes arguments et les mêmes constatations que chez nous : les « réalistes » ont une avance de maturité au début des études supérieures, mais les élèves des gymnases ont des réserves qui leur permettront de les rattraper et de les dépasser.

Les décrets ne font, le plus souvent, que traduire en les trahissant, ce qui est la condition de toute traduction, en les accommodant aux faits, en usant de compromis, les doctrines qui ont eu la faveur de l’opinion. Or, pendant la période qui a vu les refontes successives de l’enseignement spécial, période où l’enseignement primaire et l’enseignement supérieur commencent à se développer magnifiquement, mais où l’enseignement secondaire cherche sa voie, de brillants théori-ciens lui en offrent deux, ce qui vaut moins qu’une. L’enseignement spécial sert de terrain d’expérience et y perd son existence propre. En réalité, c’est l’enseignement classique qui est visé.