Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus humiliées même, dans les camps de prisonniers, ceux qui étaient « instruits, » parmi les Français, se sentaient mieux instruits que leurs compagnons d’infortune qui avaient reçu, dans leurs pays, une éducation du même degré. Sans parler de leur force morale, ils s’adaptaient plus vite aux tâches imposé et auxquelles rien ne les avait préparés. Cela faisait enrager un instituteur anglais : « Veinards de Français ! s’écriait-il, vous seuls êtes vraiment instruits. » Un grand Américain vient de rééditer, sous une autre forme, cet hommage spontané. Le président Butler écrit ceci pour ses compatriotes : « Il vaut la peine de se rappeler que l’idéal de l’éducation de la France moderne... s’est formé sous l’influence classique, et que les Français sont probablement la nation la mieux éduquée du monde. »

Ce n’est donc pas pour nous le moment de changer de méthode. Ajoutons que ce n’est pas seulement l’éducation classique, mais la façon particulière que nous avons de l’entendre et de la donner qui lui vaut le privilège d’être une éducation vraiment libérale. Ce fut une heure émouvante, lors des dernières séances du comité consultatif de l’enseignement secondaire, celle où le recteur de Strasbourg exposa à ses collègues les progrès de l’enseignement secondaire français en Alsace. Il conquiert, nous disait-il, non seulement les élèves, mais leurs parents qui avaient fait leurs études sous le régime allemand. Nous avons eu beau, pendant quelques années, nous montrer trop dociles envers la pédagogie d’outre-Rhin, il parait que nous n’avons pas réussi à cesser d’être nous-mêmes puisque, là où il nous est le plus doux de l’emporter, les différences éclatent et la comparaison se fait à notre avantage. C’est notre appel constant au goût individuel, à la liberté de l’esprit dans le commentaire des textes, et aussi dans la classe de philosophie, qui fut pour l’Alsacien une révélation supplémentaire de la patrie retrouvée. Notre enseignement secondaire lui a donné la sensation de la France. Ses défenseurs ont-ils jamais rêvé pareille consécration et pareille récompense ? Cette expérience, qui nous est la plus chère de toutes, n’est pas isolée d’ailleurs. Demandez aux enfants belges et serbes que les malheurs de leurs patries ont forcés à venir s’asseoir sur nos bancs, quel souvenir ils ont gardé de la méthode et des maîtres de France.

Cette remarque nous mène à un dernier argument : nous