Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais ce que nous tenons à dire surtout, c’est que les grands événements d’hier les ont rajeunis, et que la culture latine leur doit de nous être devenue plus chère. Elle a été menacée avec nous, et nous nous y attachons comme on s’attache à des choses, à des êtres qu’on a failli perdre. C’est alors qu’on s’aperçoit combien on les aimait. L’Allemagne en effet n’a pas tué que des hommes ; elle a tué des œuvres d’art, des paysages, et fait une hécatombe, dans une vaste partie de la France, de tous les souvenirs par lesquels les générations qui nous ont précédés se survivaient au milieu de nous, et qui enveloppaient notre présent de passé. Dès lors notre tendresse s’est accrue pour tout ce qui sentit l’approche de la même menace, notre campagne française, notre architecture. Nous avons mis de la piété dans le simple mot de « nôtre. » Pour la culture latine, la menace a fait plus que l’effleurer. Le germanisme lui a expressément déclaré la guerre et l’a désignée par là à notre attachement. Car son entreprise était aussi de tuer des idées, des traditions, des âmes pour étaler sur un désert moral, comme sur les ruines matérielles, son unique domination. Si leurs manifestes de nationalisme pédagogique ont quelque peu baissé le ton, l’hostilité des pédagogues allemands contre l’humanisme, en qui ils flairent l’ennemi, ne désarme pas. Inversement, par le fait d’une sorte d’instinct naturel, et sans qu’un mot d’ordre ait été donné, dans les premières années de la guerre surtout, un retour se produisit chez nous vers l’esprit classique. Petit effet de grandes causes, la section A de nos lycées se repeuplait. Le fait fut noté au conseil académique de Paris. Le latin participait à l’union sacrée. Les Allemands nous avaient rendu ce service de nous apprendre qu’il faisait partie des trésors de la France, qu’il était comme de la famille.

Et, avec nous, le latin a vaincu. Les races latines ont vaincu, malgré les pronostics de décadence qu’une propagande intéressée multipliait. Mais l’éducation qu’elles tiraient de leur fidélité à leurs origines a vaincu en même temps qu’elles. La guerre, qui a confronté toutes les valeurs morales, a été un triomphe de l’éducation française. Nos officiers en ont été les glorieux échantillons. On peut dire que c’est l’enseignement secondaire qui a encadré la nation. Mais il y a mieux : ces mêmes cadres ont fait le tour de l’Europe, et n’y ont pas laissé, que nous sachions, une mauvaise réputation. Dans les situations