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condamnaient sans rémission, au temps de Jules Grévy, un candidat au baccalauréat. Et il s’agit de futurs maîtres. On se demande alors si des études qui aboutissent à de pa-reils résultats ne sont pas condamnées elles-mêmes. Il faut qu’on sache cela pour bien comprendre qu’il n’y a plus une concession à faire, mais plutôt une pente à remonter.

Cependant les « compagnons, » qui ont parlé de la culture latine en fils respectueux et fidèles, insistent pour le lycée de cinq ans. Il s’agit pour eux du raccord possible avec l’enseignement primaire et l’école unique. Nous avons vu, dans un précédent article, qu’il pouvait se réaliser autrement. S’il s’agissait, non du lycée de cinq ans, ce qui n’en ferait plus que quatre pour le latin, mais du latin de cinq ans, on pourrait peut-être discuter. D’excellents latinistes se résignent. On pourrait se demander avec eux si des études plus intensives ne rattraperaient pas l’année perdue, quoique, encore une fois, le latin soit au bout des concessions possibles. Car cette cul-ture que les « compagnons » réclament, loin de la répudier, c’est une lente initiation, c’est un commerce prolongé, c’est une pénétration. On ne peut mettre les bouchées doubles, comme on le peut, non sans fatigue de l’esprit d’ailleurs, pour certaines études. Le « latin court, » ce n’est plus la culture latine. La préparation extra-rapide des jeunes filles au baccalauréat l’a mis à la mode. Il était connu déjà pour avoir fait l’objet d’expériences dans des établissements de garçons. L’enseignement primaire enfin réclame sa part de latin, depuis qu’il est à si bon compte. Il est hors de doute qu’en trois ans, quelquefois moins, beaucoup moins, on peut arriver à faire une version d’examen. On n’a pas ce qu’on peut appeler la pratique de la langue, on ne connaît pas le vocabulaire ; mais, quand on a été bien dressé, on sait faire la construction, on a appris la grammaire et on a le maniement du dictionnaire. Dire que cette gymnastique a été inutile serait excessif. Toute gymnastique entretient et fortifie, du moins quand elle ne surmène pas. Mais cette gymnastique, sans autre attrait, sans autre résultat, ne serait, disent spirituellement les « compa-gnons, » qu’une gymnastique suédoise de l’esprit, et ils ajoutent que nous n’avons jamais aimé en France la gymnastique suédoise. Nous demandons autre chose au latin, à savoir de nous faire communiquer avec la civilisation et la pensée latines. S’il ne nous donne pas cet « autre chose, »