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LA QUESTION DU LATIN

C’est maintenant l’histoire que nous avons vécue. Les vers latins succombèrent après une courte résurrection. La dissertation latine dans la classe de philosophie disparut, sans qu’on y prit garde. Le discours latin perdit son nom : on l’appela composition latine, puis on es-paça de plus en plus cet exercice réduit à l’état de symbole. Au concours d’entrée à l’Ecole normale elle-même, le thème seul figure avec la version. Le thème enfin est maintenu, mais contesté. Seule la version qui met en jeu toutes les subtilités de l’esprit, qui procure la double joie de découvrir un sens, et de l’exprimer, trouve vraiment grâce. Nous aurions voulu faire ressortir des horaires comparés de ces dernières années les sacrifices successifs demandés au latin. Cela eût été une démonstration mathématique. Mais ces précisions ne sont pas faciles à établir, parce que les parts faites au français, au latin et au grec forment bloc dans beaucoup d’horaires, ce qui est excellent si le maitre sait voir dans cette disposition une indication de la pénétration nécessaire des trois enseignements, ce qui est dangereux s’il fait pâtir les langues, qui ont le tort d’être mortes, de la liberté qui lui est laissée. Là où la comparaison est possible, elle fait ressortir un déficit au détriment du latin.

Ce qui est pire d’ailleurs que la perte d’une heure de classe, c’est le découragement des maîtres, et la désaffection des élèves. Une agonie qui dure trop longtemps donne aux meilleurs amis du moribond des impatiences d’en finir. Le latin en est au point où il lui faut un sursaut de santé et de vie pour rendre la confiance en lui à ceux qui commencent à la perdre. Les résultats présents sont plus qu’inquiétants. Je ne parle pas de ceux qui sont constatés au baccalauréat. Mais, au concours d’entrée à l’École normale, les copies des candidats, même des candidats admissibles, contiennent des fautes qui autrefois eussent fait scandale, tel ce datif : Romanibus. Il y a d’heureuses exceptions sans doute, quoiqu’aucune note vraiment bonne ne puisse être donnée en latin ; mais la lecture, dont le thème doit porter la trace, ne transparait plus, mais le sentiment de la langue s’en est allé là où la correction elle-même n’existe plus. On entre à l’École normale avec des solécismes ou des barbarismes qui