les lettres. C’est alors qu’on se demanda si, pour donner trop à apprendre aux enfants, on n’aboutira pas à ce qu’ils n’apprennent rien du tout. Avant 1848, l’idée avait gagné du terrain d’une répartition des élèves entre les différentes études qui s’offraient impérieusement à eux. Le plan du 10 avril 1852, auquel le nom de Fortoul est attaché, établit la bifurcation : études communes d’abord, spéciales ensuite. On a l’habitude d’en dire du mal. Mais nous avons connu depuis d’autres bifurcations qui nous ont appris l’indulgence. Ce qui compromit la bifurcation dans l’opinion, ce sont les mesures qui lui étaient associées, toutes restrictives de la liberté de l’esprit, toutes empreintes d’une défiance mesquine à l’égard du savoir, sous toutes ses formes, des mathématiques supérieures elles-mêmes, que d’ordinaire la réaction épargne. Elle faisait partie d’un système condamné à l’avance. Sans la défendre, notons que si, avec elle, le latin perdait des élèves, en fin d’études, il ne perdait pas du moins d’heures de classe pour les élèves qu’il gardait. Et ses méthodes, ses exercices propres n’étaient pas mis en question.
Ce fut un grand lettré, Jules Simon, qui porta la discussion sur ce dangereux terrain. Il n’eût sans doute pas accepté d’être classé comme un ennemi du latin. Mais il voulait l’enseigner autrement, plus rapidement, par des lectures cursives, et réduisait les exercices écrits. Les vers latins étaient supprimés, le thème latin ramené à la portion congrue. Les professeurs de latin sentirent le coup. Ce fut un grand émoi dans les lycées. J’étais élève alors, et me rappelle que la circulaire du ministre fit l’effet d’un glas. En 1874, tout fut remis dans l’ordre ancien. Mais la question était posée, et la tactique éprouvée. Il est bien plus facile d’obtenir une concession sur tel exercice latin que sur le principe même de l’éducation latine. On « grignota « ainsi le latin, selon une expression qui fut célèbre dans ces dernières années. Et, quand ses positions eurent été ainsi entamées une à une, l’objectif de la lutte engagée cessa d’être limité, le problème brutal se posa, non plus de restreindre, mais de supprimer son rôle séculaire dans la formation des esprits. Frary n’avait d’ailleurs pas attendu cette échéance pour écrire son livre fameux sur la Ques-tion du latin.