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la marque de l’établissement définitif dans le plan d’études, — jusqu’à ce que de leur multiplication un autre problème naisse, celui de la coordination nécessaire, et un autre besoin, celui du professeur principal.

Mais c’est la Révolution qui fit faire aux sciences des pas de géant. Les Cahiers de 1789 présentaient des revendications discrètes en somme, et qui ressemblaient assez, par leur éclectisme, aux vœux de nos sociétés de pères de famille. En matière d’éducation, comme en d’autres matières, la Révolution dépassa les vœux des Cahiers. Dans les projets de Condorcet, les sciences occupaient tout le milieu de l’éducation ; les lettres anciennes n’apparaissaient qu’à la fin, comme un couronnement presque facultatif. Ces idées ne sont pas de Condorcet seul. Elles étaient dans l’air. Un an avant la Révolution, Lacépède avait proposé un cours d’études qui ne différait de celui de Condorcet que par les prétentions légèrement exorbitantes des sciences naturelles. L’énumération des matières enseignées dans les écoles centrales présente une encyclopédie confuse et comme une cacophonie. Mais, si on y cherche la part respective des sciences et des lettres anciennes, on constate un renversement des proportions d’autrefois. Daunou, qui mettra.de l’ordre dans ce désordre, et consolidera pour quelques années les conquêtes de la pédagogie révolutionnaire, répartit les élèves en cycles, comme nous dirions aujourd’hui, et tout le cycle intermédiaire (quatorze à seize ans) est, comme dans le projet de Condorcet, le domaine réservé des sciences. Ce n’est plus une révolte contre l’abus des lettres, c’est une révolution. Et, en même temps, cette pédagogie nouvelle ne fait nul effort pour dissimuler son caractère utilitaire.

Le Consulat marqua une réaction. Nous trouvons, dans un arrêté interprétatif de la loi de 1802, cette formule qui, pendant tout le XIXe siècle, apparaîtra comme l’expression de la sagesse pédagogique, et qui établit comme un double point fixe sur lequel on reprendra pied, après avoir cédé momentanément à l’esprit d’aventure et aux sollicitations de toutes les formes du savoir : « On enseignera essentiellement, dans les lycées, les lettres et les mathématiques. » Les décrets et arrêtés qui suivent insistent, bien que l’idée de bifurcation se soit déjà fait jour, sur ce caractère voulu des pro-grammes, l’alliance des sciences et des lettres et leur collaboration pour la formation de l’esprit. Mais la Restauration