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n’est plus obligatoirement un abrégé de grammaire latine, le Despautère de fâcheuse mémoire. On commence par le français et on arrive au latin par le français. C’est là que gît l’importance de la réforme. « Nous instruisons les enfants du latin par des règles françaises, écrit Lancelot ; car nous ne sommes pas seuls à redire à la façon ordinaire de leur faire apprendre les règles de la langue latine en cette langue qu’ils n’entendent point encore ; et nous désirons les former dans leur langue autant que dans celle-là. » Dans le langage de la pédagogie contemporaine, on n’apprend plus le latin par la méthode directe, une méthode directe qui ne mettait pas d’ailleurs en présence de la vie, mais de la grammaire, une méthode directe appliquée à une langue morte, ce qui en constituait le paradoxe, quoique ce paradoxe ait duré. De la même façon, le « Jardin des racines grecques mis en vers français » de ce même Lancelot, que nous venons de citer, fut à son heure une aimable nouveauté. Etabli à la base de l’enseignement, le français, ce sera l’œuvre du temps, s’élèvera peu à peu jusqu’au sommet. Ce fut cependant notre génération seu-lement qui a vu, à la distribution des prix du Concours général, quand il existait encore, le professeur chargé du discours s’exprimer en français, si longue avait été la primauté du discours latin. Mais ce sont là des phénomènes de survivance. Et, dès la seconde moitié du XVIIe siècle, La Bruyère pouvait se féliciter qu’on eût « secoué le joug du latinisme. »

« Tout l’enseignement, dit M. Gréard, en recevait une aisance et une ampleur inconnues jusque-là. » C’est l’histoire ou l’érudition, comme on dit alors, qui pénètre, à la suite du français, dans les programmes. Cependant les progrès seront lents. Bien plus tard, Rollin, après avoir écrit qu’il regardait « l’histoire comme le premier maître qu’il faut donner aux enfants, » laissait hors de son programme l’histoire de France. La surcharge des programmes l’effrayait déjà, et il se bornait à demander que fût inspiré le goût de cette histoire, afin que, sorti du collège, on s’efforçât d’apprendre ce que le collège n’avait pas enseigné. Un autre écrivit : « Mon fils, vos classes sont finies, vos études commencent. » Précepte excellent, s’il s’adresse aux jeunes gens, mais que les maîtres feront aussi bien d’ignorer. Car une interprétation abusive de ce précepte ferait le vide dans les programmes et simplifierait à l’excès la