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défense de ses dernières positions. Au XVIe siècle, pour ne pas remonter plus haut, la question ne se pose pas, aujourd’hui si difficile à résoudre, d’un centre de gravité dans l’enseignement. On n’a pas à faire de l’unité avec de la diversité. Le latin est tout, ou bien peu s’en faut ; des éléments de grec apparaissent au cours des études, quelques théorèmes de mathématiques dans les dernières années. De physique, d’histoire et de géographie aucune trace. Et le français, dira-t-on ? Nous sommes au siècle où de grands écrivains ont écrit en français. Ce n’est pas au collège qu’ils l’ont appris. Au collège, il est interdit aux maîtres et aux élèves de parler français, non seulement en classe, mais hors de la classe. Et le collège en cela ne fait pas violence à l’opinion commune. Montaigne a été confié par son père à des maîtres qui « jargonnaient » latin avec lui ; et, à six ans, il n’entendait pas le français. Les Jésuites, portés aux accommodements, toléraient l’emploi de la langue maternelle pendant les récréations et aussi aux jours de fêtes. Mais les conditions mêmes de cette tolérance prouvent assez que, pour eux, le français n’avait rien à voir avec l’éducation sérieuse. La langue maternelle est un délassement, elle n’est pas un objet d’étude. Ainsi traite-t-on aujourd’hui les patois dans nos écoles. En 1612 encore, raconte M. Jourdain, dans une histoire de l’Université de Paris, un professeur de philosophie de Tréguier, la ville de ce Renan qui eut d’autres audaces, fut relevé de ses fonctions pour s’être servi du français dans son enseignement. Trois siècles après, j’ai entendu au Canada un professeur, Français de cœur et de langue, se vanter d’enseigner en latin comme d’une supériorité. Ces méthodes suran-nées ne sont donc pas si éloignées de nous qu’elles peuvent paraître. Rappelons enfin que le Discours de la Méthode (1637) faillit être écrit en latin. De même les Lettres à un provincial. Comme la pédagogie ne suit qu’avec un retard prudent le mouvement des esprits, on ne s’étonnera pas si elle parle encore latin, quand de pareils chefs-d’œuvre ont hésité entre les deux langues.

Ce sont les Oratoriens et les Jansénistes qui, un peu avant le milieu du XVIIe siècle, firent le pas décisif et rattrapèrent en partie ce mouvement des esprits dont nous parlions. La langue française avec eux acquiert droit de cité dans les collèges. Il reste encore sans doute des traces du préjugé vaincu, en particulier dans l’enseignement du catéchisme. Mais le rudiment